(BFI) – La pandémie de Covid-19 aura le mérite de dévoiler la vulnérabilité des modèles économiques qui ont prévalu et les limites de l’efficience des marchés et particulièrement les règles des échanges internationaux motivés par la théorie des avantages comparatifs pour le commerce, la mondialisation de l’économie et des facteurs de production.
Le débat relatif à la dette des États Africains à savoir l’annulation, le rééchelonnement et la soutenabilité dresse un panorama ci-après : le niveau de pauvreté ; la faible production locale et la timidité des échanges commerciaux intra-africains ; le recours disproportionné aux importations de biens et services ; la forte dépendance aux investissements directs étrangers, aux places financières internationales à défaut de recourir au « private-equity » pour la levée de fonds ; la contrainte d’accès aux marchés financiers domestiques pour une frange importante de petites et moyennes entreprises ; la faiblesse de l’épargne intérieure pour soutenir l’investissement et le crédit à l’économie.
Objectif prioritaire de la politique monétaire
La politique monétaire menée par les banques centrales (BCEAO et BEAC) dont l’objectif prioritaire est d’assurer la stabilité monétaire, prône un suivi étroit de l’évolution de certains agrégats monétaires (masse monétaire, crédits à l’économie, créances nettes du secteur bancaire sur les Gouvernements et les avoirs extérieurs nets des institutions bancaires). La gestion monétaire tient principalement en compte la nécessité de maintenir le taux de couverture de l’émission monétaire, représenté par le rapport entre les avoirs extérieurs et les engagements à vue de la Banque Centrale, au-dessus d’une limite fixée. L’ultime objectif est de juguler l’inflation en dessous de la norme maximale autorisée.
Consensus autour de l’essentiel
Nos gouvernants ainsi que les économistes, les financiers et les leaders du continent ont eu le mérite de poser un diagnostic sans complaisance, d’exposer des avis contradictoires et de formuler des recommandations allant dans le bon sens.
Pour notre part, l’essentiel de notre jugement relatif à la problématique de la dette et la pertinence de la souveraineté monétaire est basé sur une analyse macroéconomique. Celle-ci a été facilitée par l’opportunité d’avoir intégré durant quasiment deux décennies, des équipes de consultants auprès des institutions d’émission monétaire, des acteurs régionaux du marché financier, des institutions bancaires et des États. Mais aussi d’une analyse microéconomique acquise à travers une expérience dans le diagnostic, l’accompagnement et le contrôle auprès d’une centaine d’entreprises en Afrique et dans divers secteurs.
Nous avons eu l’opportunité de motiver nos propositions face aux enjeux décisifs du continent à travers des publications sur Financial Afrik. Il s’agit notamment des articles ci-après :
- Covid-19 : À quand l’Africa First ?
- Covid-19 : L’Afrique à l’épreuve de l’intégration et d’une marché forcée vers la transformation structurelle de son économie ;
- Covid-19 : L’organisation du travail prendra des formes nouvelles ;
- Covid-19 : L’amorce d’un processus d’annulation de la dette des états africains.
Les éclairages de notre confrère Abdou CISSE à travers ses publications remarquables sur Financial Afrik a permis de porter à l’attention de l’opinion le non-sens de la construction financière de notre monde d’aujourd’hui. Cela constitue à notre avis, un environnement favorable pour une reprise en main de notre souveraineté monétaire mais aussi le caractère légitime de l’annulation de la dette des États Africains en conséquence du recours à l’assouplissement monétaire (QE) décidé par la Banque Centrale Européenne (BCE). Le recours à l’hélicoptère monnaie décidé par la Reserve Fédérale des États-Unis et l’absence de limite en termes d’injection de liquidité pour soutenir l’économie américaine constitue un argument de taille en faveur de nos gouvernants. Nous considérons que l’essentiel des propositions et les objectifs poursuivis par l’Afrique a été relayé à travers des tribunes parus dans la presse économique et financière du contient et d’ailleurs depuis l’avènement de la pandémie pour juguler les conséquences économiques du Covid-19. Toutefois, elles manquent d’ambition à notre avis.
Neutraliser le taux change
Nous estimons que l’Afrique doit neutraliser le taux de change qui lui a été infligé depuis les indépendances en ce qui concerne la zone Franc CFA et depuis l’abandon de l’étalon or après la crise de 1973 pour ce qui concerne les autres monnaies africaines. C’est en cela que la dette africaine souffre d’illégitimité macroéconomique, notamment en vertu de l’éthique censé régir le commerce international et les transactions financières.
L’Afrique doit résorber le gap imputable au taux de change structurellement défavorable et inhérent à sa panoplie de monnaies. Il est plus que nécessaire de mettre en place une monnaie communautaire à l’échelle du continent – une devise acceptée dans le commerce international – au même titre que l’euro et le dollar US. Cela est du ressort des leaders africains (politiques et autres).
Toutefois ce réajustement du taux de change en faveur de la nouvelle monnaie commune africaine est motivé par l’absence d’efficience des marchés financiers (taux de change et taux d’intérêt). Il est impératif d’exiger une parité égale ou relativement proche des devises utilisées actuellement pour le commerce international.
Le défi d’une devise (monnaie unique) africaine acceptée par le commerce international au même titre que le dollar ou l’euro trouve tout son sens. En réalité, la domination monétaire est un des facteurs clé de succès dans le commerce international et son corollaire en termes de réserve de change. Ce commerce affaiblit par les accords (ACP – UE, puis les APE, …) est au détriment de la compétitivité du continent. Le déficit commercial qui en résulte est compensé en partie par l’aide publique au développement et le recours systématique à l’endettement.
L’Afrique est convaincue qu’en l’état actuel des termes de l’échange du commerce international, le taux de change constitue un rabais sur les prix à l’exportation et un surcroît sur les importations. Cette situation est motivée par un système monétaire mis en place par les accords de Bretton Woods à travers un système d’étalon change-or dont la valeur du dollar US a été directement indexée sur l’or et les autres monnaies indexés au dollar US.
Changeons de paradigme
Face aux enjeux environnementaux, le climat et les crises sanitaires, il est aisé de s’accorder que l’étalon or comme meilleure réserve de valeur n’a plus sa pertinence et les marchés ne sont pas efficients. Un coup de balai s’impose !
De la même manière dont l’humanité s’est rendu compte que l’étalon argent et d’autres formes de monnaie auparavant ont montré leurs limites face aux mutations, aux grandes crises, à l’innovation, au développement de nouvelles technologiques, … la crise sanitaire du Covid-19 devrait nous obliger à aller dans ce sens et nous contraindre à un retour aux fondamentaux de la fonction de la monnaie en terme d’unité de compte, intermédiaire des échanges et de réserve de valeur.
Cette mutation permettra enfin de poser des bases équitables pour la compétitivité commerciale à l’échelle internationale fondée sur la productivité, l’innovation, l’offre, la demande et limiter ainsi des barrières douanières au strict minimum. Nous pensons que c’est ainsi, que nous pourrions affirmer sans le risque de nous tromper que l’endettement de l’Afrique sera vertueux.
Ousmane DIENG a acquis une expérience professionnelle de 18 années dans le conseil et l’audit. M. DIENG a fondé le Cabinet de conseil INGENIOUS Partners Consulting spécialisé dans la stratégie, le Conseil Financier, l’entreprenariat, l’organisation, l’optimisation des performances, le contrôle et l’économie.