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Aurélie Chazai : « revenir travailler au Cameroun parait aux yeux de beaucoup assez surprenant et très risqué »

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(BFI) – Avocate et conseil juridique ayant fait ses classes dans de grands cabinets en France, cette Camerounaise a décidé, en 2017, de rentrer mettre ses compétences au profit de son pays. Elle y a créé Chazai & Partners, un cabinet qui propose une assistance juridique aux institutions privées et publiques.

Parlez-nous de vos débuts au Cameroun. Quand et dans quelles conditions avez-vous débuté ?

L’activité a commencé en novembre 2017. Nous avons commencé avec une équipe de deux personnes. Nous étions inconnus au Cameroun, donc il fallait pouvoir créer des parts de marché dans un environnement qui nous était jusque-là assez inconnu. Le challenge était vraiment de pouvoir convaincre les prospects et les clients de faire appel à nos services alors que nous n’avions pas encore de renommée dans l’activité judiciaire au Cameroun.

Comment prenez-vous la décision de venir installer un cabinet d’avocats d’affaires dans un pays qui est présenté, à priori, comme ayant un environnement des affaires difficile ?

Nous sommes parmi les afro-optimistes. C’est-à-dire des personnes qui ont tendance à voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Il est vrai qu’on a tendance à dire que l’activité judiciaire au Cameroun est corrompue, que c’est une activité assez compliquée. Nous venons avec l’idée de proposer une offre de service différente. Des transactions qui sont faites sur la base de l’éthique, une manière de travailler diligente, un reporting fiable à nos clients. C’est vraiment ce qui a motivé, peut-être avec un brin de naïveté, le fait de revenir s’installer au Cameroun pour proposer cette offre de services juridiques.

Il y’avait déjà des avocats d’affaires installés au Cameroun. Quelle est la plus-value que vous apportiez dans cette activité et qui pour vous pourrait être l’élément décisif pour le succès de votre cabinet ?

La plus-value que nous offrons par rapport aux autres structures qui étaient déjà existantes, c’est que nos associés avaient une expérience à l’internationale. C’est-à-dire que nous étions passés et formés dans les grands cabinets à Paris et en Europe. Par ailleurs, nous pouvions offrir un regard différent. L’idée c’était vraiment de proposer une offre économique différente. Que les acteurs économiques n’aient pas forcement, pour leurs grandes opérations, besoin d’avoir recourt à des cabinets qui sont situés à Londres ou à Paris, mais qu’ils puissent localement trouver des experts dans le domaine.

Parlez-nous un peu de l’activité de conseil juridique au Cameroun. Y a-t-il des opportunités et des points qui, à votre avis, doivent faire l’objet des améliorations ?

Il est vrai que nous avons tendance à dire que le Cameroun est un pays où la gestion doit être améliorée, où effectivement on peut avoir à faire à une certaine corruption judiciaire. Néanmoins, dans notre activité quotidienne, il y’a de vraies opportunités, ceci dans la mesure où les entreprises ont de plus en plus besoin de structuration. Le Cameroun n’est pas un pays isolé du reste du monde. Nous sommes la locomotive de l’Afrique centrale, nous sommes en relation d’affaires avec les autres pays. Donc, les opérateurs économiques au Cameroun ont besoin d’avoir un certain formalisme, d’être structurés d’une certaine manière. C’est à ce niveau que le conseil intervient.

Nous pouvons avoir certaines tensions au niveau judiciaire si telle ou telle décision n’est pas exécutée ou mise en œuvre. Mais, nous avons des voies de contournement pour tout cela, notamment sur le volet conseil, dans la mesure où nous intervenons beaucoup en amont des litiges en aidant les entreprises à avoir une structuration qui leur ouvre les portes de l’international.

Vous êtes au cœur des discussions juridiques entre les investisseurs et éventuellement les pouvoirs publics. Quel est le niveau de satisfaction que vous exprimeriez à l’endroit du droit des affaires au Cameroun et sa capacité à rendre les entreprises compétitives ?

Les choses dans ce domaine sont perfectibles. Nous n’allons pas nous voiler la face, il y’a des choses à améliorer. Le classement du Cameroun dans le dernier Doing Business n’est pas forcément le meilleur. Nous devons pouvoir travailler sur ces axes d’amélioration, sur la gouvernance, pour être plus attractif pour les investisseurs qui veulent venir au Cameroun. Nous essayons de rassurer les investisseurs étrangers en leur disant que tout n’est pas à jeter au Cameroun, et qu’il y’a des acteurs et une gouvernance publique, qu’il y’a des fonctionnaires qui font correctement et très bien leur travail. Donc, ils peuvent avoir des interlocuteurs de qualité, qui sont compétents et peuvent les accompagner dans leurs projets d’investissement au Cameroun.

Nous avons des success-stories au Cameroun, des entreprises qui sont venues investir et qui sont contentes de leur investissement. Il y en a qui sont installées au Cameroun depuis plus d’une vingtaine d’années. Effectivement, on a tendance à discuter longtemps sur ce qui ne fonctionne pas, mais il faut également pouvoir dire ce qui fonctionne.

Quelles ont été vos difficultés au moment du lancement de votre cabinet ?

Notre principal défi était d’investir dans un secteur où on n’était pas forcement connu. Il y’avait plusieurs obstacles à cela. Les rapports avec l’administration, le fait de devoir trouver des partenaires fiables sont autant de challenges qu’on a dû relever. Ensuite, il y’a le challenge de la confiance, parce que quand vous êtes une équipe jeune, votre place n’est pas toujours acquise au Cameroun. Il fallait donc convaincre les clients et les prospects de nous confier des dossiers parfois sensibles de plusieurs millions de FCFA.

Dans la pratique, dans ces situations, les gens ont tendance à avoir recours à des avocats beaucoup plus âgés, beaucoup plus expérimentés. Donc, il a fallu faire preuve d’une grande force de conviction auprès de nos prospects et de nos clients. Par contre, nous n’avons pas rencontré de défis sur le plan des ressources humaines. Au Cameroun, nous avons des avocats et des juristes qui sont très bien formés. Nous avons ainsi pu constituer une équipe fiable et solide de manière assez aisée. L’autre défi était l’accueil qu’ont pu nous réserver les autres acteurs de notre profession, qui n’étaient pas habitués à des méthodes de communication assez innovantes. Tout cela fait qu’on a dû vraiment construire notre place au Cameroun.

En tant que femme, quelles sont les difficultés auxquelles vous faites face dans la conduite de ce projet ?

Le principal défi c’est vraiment la question de la confidence. C’est vrai que quand vous avez un homme à qui vous voulez confier un dossier, vous ne demandez pas cent mille références avant de lui confier ce dossier. Quand vous confiez un dossier à une femme, qui de plus est jeune, vous avez tendance à vous rassurer plus que ce qu’on demanderait à un homme. C’est un défi qui n’est pas propre à cette profession, mais qui est propre à toutes les activités économiques.

Je pense que c’est plutôt une opportunité pour nous les femmes de faire plus et mieux que les autres. Une fois que vous arrivez à convaincre, tout le monde oublie que vous êtes une femme. Il faut beaucoup de résilience et de persévérance pour faire cette activité quand vous êtes une femme.

Avec un travail aussi prenant, comment réussit-on à concilier conseil d’entreprises et gestion d’une vie de famille ?

Quand vous êtes une femme et que vous devez justement être à la tête d’une entreprise de conseil et gérer sa famille, il est très important d’avoir ce qu’on appelle un support système. Il est important d’avoir auprès de vous une famille bienveillante, compréhensive et à l’écoute de ce challenge. Pour parler de mon cas personnel, j’ai la chance d’avoir un mari très compréhensif qui est un très bon père et qui me permet de m’accomplir professionnellement, sans me culpabiliser d’un point de vue personnel. C’est vraiment ma chance.

Depuis la France, vous avez choisi de revenir au Cameroun en 2017, alors que des Africains se rendent en occident pour chercher leur bonheur. Vous avez fait le chemin inverse. Pour quoi avoir fait ce choix qui peut paraitre, aux yeux de beaucoup, assez surprenant ?

C’est vrai que ce choix parait aux yeux de beaucoup assez surprenant et très risqué, d’autant plus que l’année 2017 était une année où les choses ont commencé à devenir très compliquées au Cameroun. Mais, pour moi, il fallait le faire. L’élément déclencheur pour moi était justement de me rendre compte que les avions qui partent de l’Afrique sont remplis d’Africains en classe économique tandis que les avions qui arrivent en Afrique sont remplis d’étrangers en classe business. C’est-à-dire que les étrangers viennent en Afrique pour s’enrichir et nous partons en Europe pour survivre. Je me suis dit qu’il y’a vraiment quelque chose à faire en Afrique, et qu’il faut que nous les Africains comprenions que notre continent est en fait un continent d’opportunités.

Investiraucameroun

Rédaction
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