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Le Cameroun ouvre l’activité de transport d’électricité à l’investissement privé

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Créée en 2018, la Sonatrel détient le monopole du transport, séparé depuis de la distribution. Mais l’entreprise peine à remplir son rôle de colonne vertébrale du système électrique. Près de 30 % de la production nationale se perd dans les lignes, faute d’infrastructures adaptées et d’entretien suffisant, selon le ministère de l’Eau et de l’Énergie (Minee). Cette réforme vise donc à renforcer ce maillon essentiel pour évacuer la production des nouveaux barrages — Nachtigal (420 MW), Kikot, Grand Eweng — et relier le réseau national d’ici à 2028. Le pays dispose actuellement de 3 405 km de lignes de transport, dont 1 921 km en 225 kV, mais le réseau reste saturé et inégalement réparti.

Dans le Réseau interconnecté Sud (RIS), les coupures répétées illustrent les limites d’un système jugé « insuffisant » par la Banque mondiale, tant sur le plan du transport que de la distribution. Quelques initiatives annoncent déjà la mutation en cours. À Douala, la Sonatrel a signé un accord avec Prometal pour un raccordement direct en haute tension de 50 à 75 MVA, afin de sécuriser l’alimentation du principal sidérurgiste du pays. Sur le plan régional, le Projet d’interconnexion Cameroun–Tchad (PIRECT) prévoit d’exporter jusqu’à 100 MW vers N’Djamena.

Mais le modèle actuel montre ses limites : selon Investir au Cameroun (juin 2025), le PIRECT accuse un déficit de financement de 150 milliards FCFA, compromettant son calendrier et alourdissant son coût. Un symbole des contraintes financières qui freinent la montée en puissance de la Sonatrel.

Le pari du privé

En ouvrant le transport à l’investissement privé, Yaoundé espère accélérer les projets structurants tout en desserrant l’étau budgétaire. Le Compact énergétique fixe une ambition claire : attirer les partenaires internationaux, améliorer les interconnexions et réduire les pertes techniques.

A l’analyse, la réussite de ce virage dépend de trois leviers. Le premier est un cadre réglementaire clair et prévisible. Si la Sonatrel s’appuie sur un code du marché et un cadre tarifaire modernisé depuis 2019, le Minee reconnaît qu’il faut encore « renforcer le dispositif pour soutenir la réforme ».

Le deuxième : la crédibilité financière du secteur. Les arriérés entre l’État, les entités publiques et le distributeur Eneo continuent de peser sur la trésorerie et la confiance des investisseurs. « Même un transport performant ne produira pas ses effets si la distribution et les clients publics ne paient pas régulièrement », avertit la Banque mondiale dans son rapport du 27 juin 2024. Le troisième se rapporte à la gouvernance. Les bailleurs classent toujours les risques politiques, fiduciaires et environnementaux à des niveaux « élevé à substantiel », citant la lenteur des procédures et la gestion parfois opaque des marchés publics dans le secteur.

Des risques sous surveillance

L’ouverture du capital ne se fera pas sans garanties. Les PPP exigeront des contrats de long terme assortis de clauses d’indexation et de paiements de disponibilité pour sécuriser les investisseurs. Sans ces garde-fous, les partenaires privés demanderont des primes de risque élevées, ce qui pourrait renchérir le tarif final de l’électricité.

Les guides internationaux (Banque mondiale, GI Hub, 2019) rappellent qu’en matière de transport électrique, la répartition des risques doit être nette : qui assume le risque de change, de recette ou de changement de loi ? Autant de questions que Yaoundé devra verrouiller avant d’aller plus loin. Le gouvernement prépare parallèlement la restructuration du segment de distribution, attendue d’ici à fin 2026, pour rééquilibrer le rapport entre coûts, tarifs et recouvrements. Sans assainissement global, les gains du transport risquent de se dissiper dans les maillons avals. Cette réforme marque le passage d’un monopole étatique rigide à un modèle hybride, associant puissance publique et capitaux privés. Une transition délicate, mais devenue inévitable pour garantir la sécurité énergétique d’un pays en quête d’industrialisation.

En toile de fond, un défi majeur demeure : convaincre les investisseurs que le courant camerounais peut enfin circuler sans coupures — financières ou électriques.

Rédaction
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