(BFI) – Dans le cadre de la « gabonisation de l’économie » voulue par le président Brice Clotaire Oligui Nguema, le gouvernement entend imposer une réforme majeure : réserver les directions générales des établissements financiers aux seuls Gabonais, dans le viseur l’UGB, Ecobank, UBA et Orabank. Le texte, intégré à la loi de finances, a été transmis à l’Assemblée nationale, avant un examen et une validation par les organes législatifs. Il prévoit, en cas d’approbation, des dérogations exceptionnelles accordées par le Comité national économique et financier (CNEF).
Cette décision répond à une exigence de justice économique : permettre aux Gabonais de tenir les rênes d’un secteur stratégique, afin que les choix de gouvernance soient directement alignés sur les priorités nationales. Les talents locaux, formés dans les grandes écoles de commerce, d’ingénierie financière et de management, au Gabon comme à l’international, disposent désormais d’un cadre politique qui reconnaît leur maturité et leur professionnalisme. Cette orientation visant à confier la direction de toutes les banques aux Gabonais favorisera également l’émergence d’une véritable école gabonaise de gouvernance bancaire.
Quatre banques internationales opérant au Gabon sont directement concernées par cette mesure : l’Union gabonaise de banque (UGB, filiale du groupe marocain Attijariwafa Bank), Ecobank, UBA et Orabank. Selon le dernier rapport de la Banque centrale des États de l’Afrique centrale (BEAC), ces établissements occupent des places stratégiques : UGB est le deuxième pourvoyeur de crédit au troisième trimestre 2023, Orabank le quatrième, Ecobank le sixième et UBA le septième.
Cette loi s’inscrit dans une tendance observée sur le continent. L’Angola a instauré une règle dite du « 70/30 », réservant 70 % des emplois aux nationaux. Le Nigeria, avec son Local Content Act de 2010, privilégie la main-d’œuvre locale dans le secteur pétrolier. Le Gabon, en ciblant la finance, affirme que « la souveraineté économique passe par le contrôle de la gouvernance bancaire ».
Henri-Claude Oyima, ministre de l’Économie et fondateur de BGFIBank, porte la réforme. Son ministère insiste sur le dialogue constant avec les établissements de crédit, soulignant des rencontres mensuelles avec les acteurs du secteur. « Le ministre veut renforcer la situation des établissements afin d’en faire des véhicules robustes pour financer l’économie nationale », assure un communiqué.
Au-delà du symbole, le gouvernement justifie cette décision par l’existence d’une élite bancaire locale. L’ESBanque et la BGFI Business School forment depuis des années des cadres reconnus, certains ayant intégré de prestigieuses institutions internationales. « Pourquoi confier ces postes à des étrangers alors que des Gabonais compétents existent ? », interroge un haut fonctionnaire.
Au-delà de l’enjeu technique, cette réforme incarne un choix de confiance dans les capacités nationales. Elle permettra de renforcer la légitimité du secteur financier auprès des populations, en montrant que les décisions qui les concernent sont prises par leurs compatriotes, conscients des réalités sociales et économiques du pays.
Avec une approche progressive et structurée – associant formation continue, partenariats internationaux et valorisation des compétences locales – le Gabon démontre que son capital humain est prêt à porter la direction nationale du secteur bancaire.
Cette politique ne constitue pas une fermeture, mais une affirmation : les Gabonais sont capables, aujourd’hui plus que jamais, de garantir la stabilité et l’attractivité de leur système financier. Elle érige la compétence nationale comme socle de la souveraineté économique et envoie un signal fort : le Gabon croit en ses fils et filles, et leur confie la mission de conduire son avenir bancaire.
Le pays affiche un taux d’endettement de 54 %, en dessous du seuil de 70 % fixé par la Cemac, mais prévoit un nouvel emprunt de 50 milliards de F CFA. Le gouvernement veut donc s’assurer que les banques participent pleinement à ce financement. Si le texte concerne uniquement la finance, « le meilleur est à venir », confie une source ministérielle à Jeune Afrique, évoquant déjà les secteurs minier et pétrolier.
Antoine Mboussi