(BFI) – Depuis 2 ans, la caisse de dépôt et de consignation (CDEC) défend son champ de compétence et rejette la perspective d’une supervision par la Commission bancaire d’Afrique centrale (Cobac). Mais une correspondance datée du 6 août dernier, adressé à son directeur général, Richard Evina Obam, par le ministre camerounais des finances, Louis Paul Motaze, bouleverse l’équilibre. Par un ton mesuré mais explicite, le ministre tranche plusieurs points de désaccord, réduit les marges de manœuvres de l’institution et valide implicitement les arguments de la Cobac et des instances communautaires.
Dès ses premiers pas opérationnels, l’encadrement règlementaire de la Cdec, un organisme sous tutelle du ministère des Finances, a suscité des divergences. La Cobac, organe de supervision bancaire de la Cemac, a rapidement affirmé que la Cdec devrait être soumise à ses contrôles, au même titre que toutes entités collectant des fonds du public et gérant des placements financiers. La Cdec a contesté cette assimilation, se référant à la directive communautaire de décembre 2011 relative à la comptabilité publique. Elle s’est présenté comme un comptable public, simple exécutant des décisions de l’Etat et non comme un opérateur financier ou bancaire.
Gestion des avoirs en déshérence
La tension a culminé lors de la réunion du 15 octobre 2025 oragnisé à Yaoundé par la banque des états de l’Afrique Centrale (Beac) dans le cadre du groupe de travail chargé d’harmoniser le régime juridique des caisses de dépôt dans la zone Cemac. A l’issue de la rencontre, la Cdec publié un communiqué virulent dénonçant un « passage en force » et exigeant le retrait du projet de texte communautaire. C’est dans ce contexte qu’intervient le communiqué du ministère des Finances. Le document répond point par point aux arguments de la Cdec. Loin de conforter sa lecture restrictive, il en reprend les principales critiques et les relativise.
Sur la question de la supervision, Louis Paul Motaze écrit « il semble quand même surprenant que dans la logique de soustraire la CDC du Cameroun à la supervision de la Cobac, vous n’ayez fait mention que d’une zone dans laquelle la supervision n’est pas effective (Uemoa), omettant subrepticement de citer le cas de la France, mère des CDC où la supervision est exercée par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution ; idem pour la caisse de dépôt et de gestion du Maroc supervisé par la banque centrale marocaine Al Maghrib.
« Quand bien même il n’y aurait pas une réglementation sur les activités des CDC, arguments que vous excipez pour denier toute intervention des organes communautaires, il me revient, en ma qualité d’autorité monétaire, reprenant en cela les prescriptions fortes des Chefs de Etats, du FMI, du GAFI, ….la responsabilité de rappeler l’impérieuse nécessité pour les organes compétents, au niveau communautaire, d’agir afin de prévenir tout risque qui pèserait sur la stabilité du système financier. C’est précisément ce qui s’est passé avec l’activité de crypto monnaie (Liyeplimal) dont les dérapages ont amené les autorités de la sous-région à prendre rapidement des mesures salutaires ayant permis de réguler cette activité. La supervision ne devrait donc gêner personne si toute l’activité est gérée convenablement » a écrit le ministre.
Avoirs criminels et cautions de garanties
Un autre sujet aussi sensible portait sur la gestion des cautions exigées dans le cadre des partenariats publics-privés (PPP) entre l’état camerounais et la société d’électricité Eneo. La Cdec revendiquait la gestion de ces flux arguant qu’il entrait dans la catégorie des consignations. Le ministre a écarté cette prétention de manière catégorique. « Il n’apparait nulle part de façon explicite dans le PPP liant le Cameroun à la société Eneo, une quelconque dette susceptible d’être transférée à la Cdec » a-t-il rappelé.
La Cdec avait également élargi son interprétation aux cautions versées par les contribuables lors des recours fiscaux. Ici encore, la lettre du ministre est précise. « Les frais acquittés par les contribuables au moment où ils initient des recours devant des juridictions fiscales, ne sauraient être assimilés au cautionnement au sens de la loi régissant les dépôts et consignations. » Ce passage met fin à une controverse juridique. Pour la Cdec, ces sommes pouvaient entrer dans son champs d’action en tant que dépôt de garantie. Pour le ministre des finances, elle relève des procédures fiscales et ne constituent pas des consignations au sens strict.
La Cdec ambitionnait également de gérer les avoirs criminels confisqués par les tribunaux. Ces ressources, potentiellement substantielles, sont sensibles sur le plan politique et symbolique. Le ministre tranche là aussi en rappelant la pratique officielle. « Ces fonds sont logés auprès de la société de recouvrement des créances (SRC) qui a, entre janvier 2022 et juin 2025, recouvrés 16,8 milliards de Fcfa sur un volume nominal de 208,9 milliards de Fcfa« .