(BFI) – La question se pose alors que s’ouvre, aujourd’hui même à Djibouti, une conférence régionale dédiée aux « enjeux et opportunités de la Zone de Libre-Échange Continentale Africaine (ZLECAf) ». Un constat s’impose en effet : cette initiative d’intégration économique ayant son siège à Accra (Ghana), pourtant qualifiée de « tournant historique » pour le continent, reste assez mal connue, particulièrement dans notre pays. Rares sont les citoyens, les commerçants, ou même les décideurs locaux à pouvoir en esquisser les contours.
C’est un paradoxe assez saisissant. La ZLECAf, avec ses 1,4 milliard d’habitants et un PIB combiné de plus de 3 000 milliards de dollars, est la plus grande zone de libre-échange au monde en nombre de pays membres. Son ambition ? Stimuler les échanges intra-africains et réduire la dépendance vis-à-vis des marchés extérieurs. Elle vise à industrialiser le continent pour créer des millions d’emplois. Autant dire une révolution silencieuse.
Et pourtant, la ZLECAf est enveloppée d’un voile d’indifférence et d’ignorance. Pourquoi une telle méconnaissance à propos d’un projet aussi structurant ? La faute, sans doute, à une communication institutionnelle peu connectée et, sûrement, à une technocratie africaine souvent trop éloignée des réalités du terrain. Car la frilosité des élites économiques à embrasser une vision véritablement panafricaine du développement est patente. Il est plus aisé de se replier sur les certitudes du bilatéralisme que de se confronter à la complexité de l’intégration continentale.
Pourtant, Djibouti, par sa position géostratégique au carrefour des grandes routes commerciales, a tout à gagner d’une telle intégration. Port franc par excellence, interface entre l’Afrique et l’Asie, notre pays pourrait devenir une plateforme logistique incontournable du commerce intra-africain. Mais pour cela, encore faut-il anticiper et former. Il faudrait surtout croire en la promesse africaine.
La conférence qui s’ouvre aujourd’hui doit donc être plus qu’un rendez-vous diplomatique. Elle doit être un électrochoc. Un moment de lucidité collective. Une invitation à investir enfin l’espace africain, non plus en simple observateur, mais en acteur engagé et ambitieux. Il est temps que la ZLECAf sorte des cénacles pour entrer dans le quotidien des Africains.
Et il est plus qu’urgent que Djibouti, nation carrefour, prenne toute sa place dans cette dynamique. Car l’intégration économique africaine ne se fera pas sans nous. Et certainement pas malgré nous.
André Noir