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Comment le Japon étend son influence dans les métaux en Afrique

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Début octobre 2024, la compagnie américaine Lifezone Metals a annoncé la signature d’un accord de partenariat avec la Japan Organization for Metals and Energy Security (JOGMEC) sur le projet de nickel Kabanga, en Tanzanie. Selon les termes convenus avec cette agence gouvernementale japonaise, dès 2026, la production de nickel de qualité batterie de la mine Kabanga, notamment destinée marché américain, pourra aussi alimenter le « marché croissant des batteries au Japon, garantissant ainsi une chaîne de valeur des métaux durable et traçable ». Cet accord est le dernier signal en date des pions avancés progressivement par le Japon sur l’échiquier des minéraux critiques africains. 

Une présence japonaise croissante en Afrique

L’empreinte d’une entreprise japonaise dans les minéraux critiques en Afrique remonte au moins à 2005, lorsque le groupe Sumitomo a lancé à Madagascar le projet de nickel Ambatovy. Aujourd’hui considéré comme la plus grande mine malgache de nickel, le projet peut livrer jusqu’à 40 000 tonnes de nickel par an.

Ces dernières années, le Japon a considérablement élargi sa présence en Afrique au-delà de Madagascar, grâce à des partenariats avec des entreprises minières présentes sur le continent.

En septembre 2024 par exemple, le britannique Pensana a ainsi conclu un protocole d’accord pour vendre annuellement 20 000 tonnes de carbonate mixte de terres rares sur cinq ans au groupe japonais Hanwa, à partir de sa future mine de terres rares Longonjo en Angola.

En août 2023, un investissement de 1 milliard de dollars a aussi été annoncé par le Japon pour explorer des minéraux rares en RDC. Le pays d’Afrique centrale est, faut-il le rappeler, premier producteur mondial de cobalt et deuxième producteur mondial de cuivre, avec d’importantes réserves de lithium, d’étain et de tantale.

Des protocoles d’accord de coopération minière ont aussi été signés le même mois avec la Namibie et la Zambie, cette dernière étant le deuxième producteur africain de cuivre. Dans le cas de la Namibie, la JOGMEC est déjà présente depuis plusieurs années dans le pays, en partenariat avec le canadien Namibia Critical Metals sur le projet de terres rares Lofdal. Selon un accord conclu en janvier 2020, la JOGMEC peut obtenir jusqu’à 51 % d’intérêts dans le projet, en investissant au moins 25 millions de dollars canadiens (18 millions $) dans les travaux d’exploration. Une évaluation économique préliminaire de 2022 a estimé que Lofdal peut livrer 2000 tonnes d’oxydes de terres rares (TREO) par an, sur une durée de vie de 16 ans.

Notons également la présence du Japon sur le projet de métaux du groupe de platine Waterberg en Afrique du Sud. Les sociétés JOGMEC et Hanwa ont décidé en 2023 de combiner leurs participations respectives de 12,195 % et 9,755 % dans une nouvelle entité qui détient donc désormais 21,95 % dans l’actif. Comme les projets évoqués plus haut, Waterberg a le potentiel pour livrer des minéraux essentiels à la transition énergétique, notamment le platine et le palladium utilisés dans les pots catalytiques des véhicules pour réduire les émissions.

« Le platine, le palladium, le rhodium et l’or, ainsi que le cuivre et le nickel, sont largement utilisés dans l’industrie japonaise […] et devraient jouer un rôle essentiel dans la décarbonisation », a souligné à l’époque Frank R. Hallam, PDG de Platinum Group Metals, la société qui pilote Waterberg.

Diversifier les sources d’approvisionnement

Les investissements croissants du Japon dans les minéraux rares en Afrique sont justifiés par un double objectif : sécuriser l’accès à ces minéraux en diversifiant ses sources d’approvisionnement. En ce sens, le Japon ne se différencie pas vraiment des autres grandes puissances qui se bousculent actuellement sur le continent. Comme l’explique notre rédaction dans plusieurs rapports parus sur sa plateforme dédiée aux professionnels (Ecofin Pro), les États-Unis comme l’UE multiplient les investissements dans le secteur minier en Afrique pour limiter leurs dépendances vis-à-vis de la Chine.

Dans le cas du Japon, la Chine y est pour beaucoup dans la stratégie de diversification mise en place par l’archipel nippon qui importe presque 100 % des métaux dont ont besoin ses industries pour différentes technologies, allant des véhicules électriques à l’électronique grand public. En 2010, la Chine avait utilisé cette dépendance contre l’archipel nippon et suspendant ses exportations de terres rares vers le Japon suite à un incident diplomatique entre les deux partenaires. Depuis cet incident, Tokyo a investi dans des mines de terres rares à l’étranger, ce qui a aidé à faire passer sa dépendance à la Chine de 90 % à l’époque à 60 % ces dernières années. Pour le gouvernement japonais, la Chine devrait représenter moins de 50 % de ses importations de terres rares d’ici 2025.  

Quel intérêt pour les pays africains ?

L’intérêt croissant du Japon pour les minéraux critiques africains offre des opportunités aux pays du continent, au-delà des accords courants de vente de produits miniers ou d’investissements dans l’extraction. En ce moment, le principal défi pour le continent est d’attirer des investissements importants pour développer localement une chaîne de valeur incluant l’extraction et la transformation des minéraux.

Limitée au statut d’exportateur de minerais bruts, l’Afrique devrait seulement capter 55 milliards de dollars sur un marché global estimé à 8800 milliards d’ici 2025, a estimé en 2024 la BAD dans un rapport sur la chaîne de valeur des batteries et des véhicules électriques.

D’après un autre rapport de Tralac daté de juin 2024, l’Afrique a attiré seulement 2,8 % des investissements directs étrangers alloués dans le monde à la transformation des minéraux critiques entre 2019 et 2023. Sur la même période, le continent a pourtant concentré 35,6 % des IDE mondiaux destinés à l’extraction des minéraux critiques.

Avec la multiplication des partenaires, les gouvernements africains peuvent mieux s’organiser pour capter une part plus importante de ces revenus. Selon un rapport du Centre européen pour la gestion des politiques de développement (ECDPM), la concurrence entre grandes puissances offre en effet au continent l’occasion d’investir davantage dans la transformation locale.

Le Japon n’exclut d’ailleurs pas d’accompagner ce processus, comme en témoigne le protocole d’accord signé l’année dernière avec la Namibie. Il prévoit notamment des études sur la possibilité de faire du pays « une plaque tournante de l’industrie des terres rares en Namibie et dans les pays voisins, en envisageant la création d’une installation de concentration et de séparation en Namibie pour le minerai extrait en Namibie et dans les pays voisins ».

Placide Onguéné

Rédaction
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