(BFI) – L’ampleur de l’intérêt des investisseurs pour les hydrocarbures signifie qu’un pays comme la Namibie doit agir rapidement pour développer ses capacités bureaucratiques et ses connaissances institutionnelles.
Les énormes découvertes de pétrole dans les eaux côtières profondes au large de la Namibie, au cours des deux dernières années, suscitent une vague d’intérêt de la part des investisseurs pour les réserves d’hydrocarbures du pays, qui pourrait devenir l’un des principaux producteurs de pétrole d’Afrique dans les années à venir.
Avec des réserves de pétrole estimées à 11 milliards de barils confirmées à ce jour, ce pays d’Afrique australe pourrait être à la veille d’une manne énergétique potentiellement transformatrice, compte tenu des prix durablement élevés des prix du pétrole. Les premières découvertes pourraient doubler la taille de l’économie du pays d’ici à 2040, la production de pétrole devant commencer d’ici à 2030. Pour autant, la Namibie peut-elle éviter la « malédiction des ressources » qui a frappé d’autres pays africains riches en hydrocarbures ?
« Si la Namibie veut devenir un acteur majeur du secteur de l’énergie, elle devra non seulement faciliter les transactions, mais aussi rassurer les investisseurs en leur montrant qu’ils peuvent investir en toute sécurité ».
Grâce à ses richesses considérables en minéraux et en métaux, la Namibie a acquis au fil des ans une certaine expertise dans le domaine de l’industrie extractive. Cependant, l’ampleur sans précédent de l’intérêt des investisseurs pour les hydrocarbures signifie que le pays doit maintenant agir rapidement pour développer les capacités bureaucratiques et les connaissances institutionnelles nécessaires pour répondre aux demandes d’investisseurs pétroliers et gaziers de plus en plus sophistiqués.
Bien que la Namibie ait obtenu son indépendance de l’Afrique du Sud voici plus de trente ans, ses institutions et ses processus administratifs restent relativement faibles. Bon nombre des lois régissant les industries extractives ont été élaborées dans les années 1990 et sont inadéquates, en particulier par rapport aux voisins régionaux qui ont renforcé leurs cadres réglementaires ces dernières années, nous songeons notamment à l’Angola.
Dans la pratique, cela signifie plusieurs choses : le manque de structure bureaucratique entraîne souvent des retards, mais cela signifie aussi que les investisseurs sont confrontés à une variété de risques réglementaires et opérationnels lorsqu’ils effectuent des activités commerciales de routine, allant de la négociation de licences à la recherche de partenaires locaux.
Exemples à suivre et à ne pas suivre
Jusqu’à récemment, le cadre namibien d’octroi de licences et de passation de marchés pour les actifs pétroliers et gaziers reposait sur des négociations directes à huis clos. Outre les problèmes de transparence qu’il soulève, ce système s’est révélé incapable de faire face à l’afflux d’investisseurs souhaitant louer des blocs pétroliers ou obtenir des contrats de partage de la production.
Cette situation a entraîné un arriéré qui a incité les autorités, en janvier 2024, à tenter de rationaliser le processus, alors que des appels étaient lancés en faveur de la création d’une autorité de régulation indépendante pour les activités en amont.
Outre ces défis, les investisseurs sont confrontés à d’autres obstacles très pratiques. Le processus d’enregistrement d’une filiale locale peut être très long, impliquant de nombreux allers-retours avec le BIPA, le registre des sociétés de Namibie, souvent chaotique. Les dossiers ne sont pas non plus aussi transparents ou actualisés qu’ils devraient l’être, ce qui laisse les investisseurs dans l’incertitude quant à l’identité et à l’intégrité de partenaires locaux potentiels, statutairement obligatoires. De manière plus générale, les entreprises étrangères ont du mal à trouver des partenaires de la bonne qualité, avec un niveau d’expérience approprié.
Ce sera toujours un défi compte tenu de l’augmentation soudaine de la demande. Il semble déjà que certains de ceux qui proposent leurs services en tant que partenaires locaux ont plus de relations politiques que d’expérience dans le domaine du pétrole et du gaz. Et c’est toujours un signal d’alarme potentiel lorsque ces entreprises sont recommandées ou promues par des responsables locaux.
Il est encourageant de constater que les autorités namibiennes reconnaissent certains de ces problèmes et tentent d’y remédier. Elles n’ont pas besoin de chercher bien loin pour voir comment ne pas faire : au nord de la Namibie, des pays comme l’Angola et le Nigeria continuent de payer un lourd tribut à la corruption et à la mauvaise gestion, en grande partie à cause de l’absence historique de contrôles appropriés et de processus efficaces. Les Namibiens sont désireux d’éviter le même sort.
Dans la bonne direction
Cela étant, le monde a changé par rapport à celui auquel l’Angola et le Nigeria étaient confrontés au plus fort de l’intérêt des investisseurs pour ces pays, il y a près de trente ans. La plupart des entreprises qui font la queue pour faire des affaires en Namibie sont aujourd’hui des entreprises énergétiques sophistiquées, peu enclines à prendre des risques et dotées de politiques et de procédures strictes de lutte contre la corruption. Elles ont des exigences non négociables en matière de transparence et de responsabilité. Si la Namibie veut devenir un acteur majeur du secteur de l’énergie, elle devra non seulement faciliter les transactions, mais aussi rassurer les investisseurs en leur montrant qu’ils peuvent investir en toute sécurité.
Certains signes indiquent que la Namibie va dans la bonne direction. Le gouvernement aurait demandé à adhérer à l’initiative pour la transparence dans les industries extractives, qui oblige les membres à divulguer les détails des contrats et des licences. Cette démarche s’inscrit dans le cadre des efforts déployés au niveau local pour promouvoir la transparence des bénéficiaires effectifs et la gestion des risques de corruption dans les organismes publics. Ces mesures constituent une déclaration d’intention de la part des autorités, mais elles devront aller plus loin et plus vite si elles veulent profiter de la vague d’intérêt des investisseurs.
Chris Rowley est directeur général de Risk Advisory et Laura Cabeca est directrice adjointe de l’équipe Afrique de Risk Advisory