(BFI) – La zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), lancée en 2018, est une zone de libre-échange visant à créer un marché continental unique avec une population de 1,3 milliard d’habitants et un PIB agrégé d’environ 3 400 milliards de dollars.
Aujourd’hui, 54 États membres de l’Union africaine (UA) ont signé l’accord sur la ZLECAf et 47 d’entre eux l’ont ratifié, à l’exception de l’Érythrée, du Bénin, du Liberia, de la Libye, de la Somalie, du Sud-Soudan, du Soudan et de Madagascar. L’objectif de la ZLECAf, à terme, est l’accélération du commerce intra régional et la stimulation des investissements directs étrangers (IDE) afin d’accroître la résilience du continent aux chocs extérieurs. En effet, par la réduction des barrières au commerce, aux investissements et à la mobilité, la ZLECAf a pour ambition de jouer un rôle catalyseur dans l’industrialisation et la croissance économique à long terme de l’Afrique.
Par ailleurs, la Banque mondiale vouait à la ZLECAf, en 2020, un rôle crucial dans la lutte contre la pauvreté. Plus particulièrement, la ZLECAf devait permettre d’accroître les revenus du continent de 450 milliards de dollars d’ici 2035 tout en permettant la sortie de l’extrême pauvreté de 30 millions d’habitants selon l’institution.
Toutefois, la part du commerce intra régional en Afrique reste faible et représente 13% du commerce total de biens et services des pays du continent, contre 55% en Asie et 70% en Europe selon un nouveau rapport de la Commission économique pour l’Afrique (CEA).
En conséquence, l’Afrique reste exposée aux aléas conjoncturels de ses partenaires commerciaux, et notamment de la Chine.
Par ailleurs, en 2023, seulement 96 produits bénéficiant de préférences tarifaires s’échangeaient au sein de l’Initiative de Commerce guidé de la ZLECAf : l’initiative pilote visant à tester l’environnement opérationnel, institutionnel, juridique de la ZLECAf et à accélérer les échanges commerciaux entre sept pays participants : à savoir le Cameroun, l’Égypte, le Ghana, le Kenya, le Rwanda, la Tanzanie et Maurice. Ces résultats laissant encore à désirer, la conférence des ministres africains des Finances, de la Planification et du Développement économique, qui s’est tenue la semaine dernière, a annoncé que la prochaine COM 2025 se tiendra à Addis-Abeba sur le thème : « Faire progresser la mise en œuvre de l’Accord établissant la ZLECAf : proposer des actions stratégiques transformatrices ». Ceci laisse suggérer qu’il demeure des obstacles structurels à résoudre avant de pouvoir observer le plein potentiel de ce qui est amené à devenir la plus grande zone de libre-échange au monde.
En effet, l’optimisation de la ZLECAf passe par la mise en place de corridors commerciaux et portuaires qui vont faciliter l’acheminement des marchandises et réduire les coûts logistiques qui sont parfois supérieurs à ceux des droits de douane. Ainsi, le déficit d’infrastructures logistiques en Afrique, notamment dans le secteur des transports et des télécommunications, entrave les capacités des pays africains à accroître leurs exportations à travers le continent. L’optimisation de la ZLECAf passe également par l’encouragement à la transformation des produits et l’industrialisation du continent afin d’augmenter l’offre de produits échangeables et stimuler le commerce intrarégional. Le renforcement de la complémentarité et de la convergence macroéconomique des économies africaines, qui ne sont pas toutes au même stade de développement économique ou d’ouverture au commerce international, sont également des éléments décisifs à l’optimisation de la ZLECAf.
Par ailleurs, le FMI préconise certaines réformes complémentaires afin d’assurer la pérennisation et le partage des éventuels gains, découlant de l’intégration commerciale, à l’ensemble des populations. Par exemple, la mise en place d’investissements massifs dans l’éducation et le renforcement des compétences de la main-d’œuvre pourraient s’avérer nécessaires afin de faire bénéficier à la population, en âge de travailler, des opportunités offertes par l’intégration commerciale régionale.
Enfin, l’optimisation de la ZLECAf est confrontée à un autre défi majeur : celui du respect des engagements pris lors de l’accord de Paris. En effet, la ZLECAf n’intégrant pas d’objectifs environnementaux et les politiques climatiques ayant un coût économique, comment l’Afrique peut-elle concilier l’objectif de croissance soutenu par l’accord de la ZLECAf et l’objectif de réduction des GES défendu par l’accord de Paris ?
Dans cette perspective, plusieurs options s’offrent au continent africain pour réduire ses émissions de GES par le développement de marchés du carbone :
• Le respect d’une large partie des engagements pris lors de l’accord de Paris par les pays africains ;
• L’adoption d’un prix plancher du carbone, défendu par le FMI, différencié selon le niveau de revenu des pays : 25 dollars pour les pays à faible revenu, 50 dollars pour les pays à revenu intermédiaire et 75 dollars pour les pays à revenu élevé ;
• L’adoption d’un prix du carbone adapté à chaque pays en fonction de ses émissions de GES.
Une étude du CEPII souligne qu’un scénario de coordination des efforts de réduction des émissions de GES préserverait les gains économiques de la ZLECAf tout en diminuant, au mieux, les émissions de GES. En revanche, « il réclamerait des efforts de certains gros émetteurs de GES qui risquent d’être difficiles à obtenir » précise cette étude. Dans cette mesure, l’adoption d’un prix du carbone adapté à chaque pays en fonction de ses émissions de GES pourrait s’avérer être une solution politiquement difficile à mettre en œuvre.
Tous ces enjeux sont d’autant plus actuels que la phase pilote initiée par les huit pays participants à l’Initiative de Commerce guidé de la ZLECAf touche à sa fin.
En effet, en début d’année, à l’occasion du Forum de Davos, le Secrétaire général de la Zone de libre-échange continentale africaine a annoncé son extension imminente à 24 nouveaux pays, ouvrant la voie à une nouvelle étape du développement de la ZLECAf.