(BFI) – Que chaque citoyen soucieux du sort des populations de notre pays prenne connaissance du fragment ci-dessous du communiqué du plus proche collaborateur du Premier Ministre qui, dans un rôle inattendu de porte-parole du Gouvernement, annonce à l’opinion les augmentations de prix du Super et du Gazoil qui entrent en vigueur en ce début de mois de Février 2024. Voici ce qu’énonce ce fragment de propos: « En raison de la nécessité de résorber les contraintes budgétaires croissantes auxquelles l’État est confronté et d’éviter les tensions dans l’approvisionnement du marché national en produits pétroliers, le Gouvernement a entrepris des concertations avec les partenaires sociaux au terme desquels les prix des carburants sont réajustés tels que le litre de Super est fixé à 840 F et le litre de Gazoil à 828 F« .
Il s’agit d’une véritable pièce d’anthologie d’irrationalité économique puisque sous le prisme de cette science, la solution que la hausse du prix de certains carburants semble être n’a absolument aucune relation avec les problèmes évoqués.
En fait, en nous imposant d’éviter le piège d’une mise en cause ad nominem qui parasiterait notre propos et sans céder à un catastrophisme de circonstance, il y a dans ce constat de quoi susciter des interrogations quant à la prise en considération par certains des graves répercussions négatives que génèrerait cette décision sur l’économie du pays. De plus, on ne peut ne pas signaler le risque d’un dérapage social dont cette mesure pourrait être le déclencheur, au regard de l’étiage monétaire dont se plaignent les populations.
Y a-t-il un économiste à bord?
Nous n’entendons nullement engager ici une polémique sur la compréhension des mécanismes de base de l’économie par les uns ou les autres. Nous nous excusons même de la modestie de nos connaissances dans ce domaine. Nous voulons toutefois souligner, en tout bon sens, qu’une augmentation du prix de l’essence Super qui touche essentiellement les particuliers donne un coup de fouet à l’inflation, ce qui érode le pouvoir d’achat des ménages. Concomitamment, une augmentation du prix du Gazoil impacte plus sur les activités de production, ce qui renchérit les coûts des facteurs et a un effet négatif sur la croissance et donc sur l’emploi.
En définitive, les effets de ces conséquences négatives sont, non pas cumulées mais exponentielles sur la dégradation de l’économie du pays dont elles affaiblissent la compétitivité et réduisent la productivité globale.
Voilà donc notre pays dans la situation où, alors que de par le monde les gouvernements sont aux commandes pour juguler l’ inflation et le chômage qui sont les plus graves menaces sur croissance de l’économie dans le but de préserver le pouvoir d’achat des populations, notre technostructure induit le pouvoir politique en erreur en le faisant ramer à contre-courant en prenant une mesure dont l’effet mécanique est de donner un coup de fouet à l’inflation dont la réalité ressort des plaintes de ménagères qui tentent en vain de résoudre la quadrature du cercle de remplir leur panier au marché.
Et comme si cela ne suffisait pas, cette technostructure se refuse ou alors semble ne pas être en capacité de comprendre que l’augmentation du coût des facteurs dans lequel le carburant tient une place déterminante a une incidence directe sur la croissance et donc sur l’emploi. Toute personne ayant suivi des enseignements de base en économie politique se souvient du fameux dilemme de Philips qui met en exergue les incidences croisées négatives de l’inflation et du chômage. Manipuler ainsi avec légèreté, le déterminant de l’inflation qu’est l’augmentation du prix du carburant dont l’impact négatif sur la croissance est établi avec pour conséquence de plomber l’emploi et s’exposer à voir croître le chômage dont le niveau atteint au Cameroun fait que notre pays est une véritable bombe sociale, est une manière de pousser le pouvoir à commettre une faute politique majeure contre des populations qui peinent déjà sous le fardeau d’une vie de plus en plus difficile.
Plus préoccupant est le fait que l’augmentation des coûts des facteurs entraînant une dégradation de la compétitivité, toute chose qui est également un frein à la croissance et maintient le pays dans le cercle négatif du tritype inflation- chômage- perte de compétitivité. La conséquence sur le long terme est de voir notre pays pris dans les entraves d’une croissance molle de 2 à 3% avec des conséquences socio-politiques autant menaçantes qu’imprévisibles.
On ne peut donc pas manquer de se demander au service de qui est la technostructure qui truste l’appareil d’État au Cameroun ? Est-elle au service du peuple qui malheureusement subit, en silence, les conséquences des décisions qu’elle inspire à un pouvoir politique de plus en plus insensible conditions de vie des populations? Ou alors est-elle extasiée par la contemplation du fastueux mirage des pouvoirs autant illégitimes qu’illimités dont elle s’est abusivement appropriée ?
La vraie solution au problème de la croissance molle est de bloquer voire diminuer le prix des carburants
Ce questionnement rend le plus inquiétant le fait que le Gouvernement veut faire croire à l’opinion que l’augmentation du prix du carburant est en soi la solution au problème réel de notre pays qu’est la croissance molle de notre économie. En vérité, c’est une relance de l’activité qui doit générer des ressources dont le Gouvernement a besoin. Une mesure comme l’augmentation du prix du carburant va dans le sens opposé car, le double effet de multiplicateur et d’accélérateur qu’elle a sur le tritype évoqué plus haut établi qu’enfonce d’avantage le pays dans une croissance molle très en deçà du niveau optimal de 9 à 10%.
La décision appropriée que devait prendre aujourd’hui le Gouvernement est de bloquer ou même mieux diminuer le prix des carburants, ce qui se traduirait par un abaissement des coûts des facteurs et favoriserait un soutien voire une relance de l’activité permettant un prélèvement plus important de recettes fiscales.
La grosse insuffisance flagrante et persistante qu’affiche le Gouvernement est qu’il n’est préoccupé ces dernières années que par des opérations du bas de bilan c’est-à-dire de trésorerie. La soit- disant suppression des subventions ou la hausse du prix des carburants n’est en réalité qu’une manœuvre d’accroissement des prélèvements par la fiscalité des produits pétroliers pour alimenter ainsi le Trésor avec comme seul résultat de financer le train de vie de l’État. Les ressources tirées de ces mécanismes ne sont nullement orientées vers les financements en équipements du pays qui sont logés en haut du bilan des comptes publics.
La technostructure en place, dans sa posture de paresse intellectuelle qui s’interdit un approfondissement de la réflexion et une ré -invention des solutions novatrices pour redonner du souffle à l’économie, s’interdit de relever que la clé de succès dans la nouvelle économie actuelle est la compétitivité, que celle-ci est tributaire d’une amélioration de la productivité, et que c’est l’abaissement des coûts des facteurs qui en est le ressort. C’est pour cette raison qu’en ce qui concerne les prix des produits pétroliers, plutôt que de s’engouffrer dans la brèche facile de l’augmentation des prix, le Gouvernement devrait plutôt re-évaluer l’opportunité et les taux de la dizaine de taxes qui entre dans la formation de ces prix, s’agissant des éléments ci-après rémunérés: Droits de douane, TVA sur la valeur imposable, autres taxes de douanes, TVA sur la marge importateur, TVA sur les redevances portuaires, TVA sur le passage à la Scdp, TVA sur le marquage, TVA sur la livraison, TVA sur la distribution.
Les risques d’un « leadership failure »
Les possibles modulations sur la chaîne de taxes prélevées par l’État dans la formation des prix des produits pétroliers devrait donc permettre d’éviter cette énième hausse du prix des carburant qui en l’État s’apparente à un véritable racket fiscal des utilisateurs de ces combustibles. Cet état de fait pousse à se demander si les capacités de la technostructure du Gouvernement actuel sont à la hauteur des défis auxquels notre pays doit faire face.
Cette question est renforcée par l’observation de voir brandir les mesures d’augmentations des salaires de personnels du secteur public au moment où l’on parle d’augmentation des prix de certains carburants. Ne s’agit-il pas d’une mesure visant à étouffer un mouvement d’humeur de cette catégorie de travailleurs ? Cette mesure dont la motivation n’est pas explicite semble être similaire à celle prise en faveur des personnels des Forces de Défense et de Sécurité au moment des baisses de salaires des années 1990? Si tel est le cas, nous serions en face du glissement d » un leadership transformationnel à celui d’un leadership transactionnel où la boussole de la direction du pays ne reposerait plus sur la recherche et la sauvegarde du bien-être des populations, mais plutôt sur la seule volonté de garder le pouvoir par le recours aux petits cadeaux.
Et si un tel fait venait à se vérifier, alors nous devrions convenir de ce que le Cameroun est désormais un pays exposé à des vents incertains. Que Dieu nous en préserve.
Sa Majesté Célestin Bedzigui, Président du PAL. Parti de l’Alliance Libérale