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Comment rendre l’agriculture attrayante en Afrique

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Quel que soit leur volume d’activité, du petit exploitant à l’entreprise géante, les agriculteurs, ceux qui transforment les produits agricoles et ceux qui font du négoce, ont tous besoin d’une agriculture rentable, bénéficiant de politiques et de stratégies stables et incitatives. Actuellement, l’agriculture est généralement pratiquée par de petits exploitants qui exercent cette activité car ils ne disposent pas d’une autre option praticable pour gagner leur vie; les jeunes évitent ce moyen d’existence s’ils le peuvent et préfèrent rester en ville; et les investisseurs choisissent des façons plus faciles pour rentabiliser leur capital. L’expérience passée enseigne que des politiques macroéconomiques peu pertinentes peuvent constituer la cause principale des obstacles à la croissance agricole. En outre, les changements fréquents de politiques, de stratégies, d’approches ou d’engagement vis-à-vis de l’agriculture (pour des raisons politiques ou afin de s’adapter aux changements des conditions exigées par les donateurs) ne peuvent permettre de réaliser des progrès. Les producteurs ne peuvent rester engagés et investir volontiers lorsque les marchés sont instables, les intrants d’une disponibilité incertaine, ou les services de soutien dans le domaine technologique ou financier déficients ou inexistants, etc.

Dans de trop nombreux pays africains, la part des dépenses publiques consacrée à l’agriculture ne traduit pas l’importance de cette dernière dans l’économie; cela pourrait constituer une raison essentielle du manque d’attrait pour l’agriculture. Les gouvernements affectent si peu de financements publics à l’agriculture qu’ils ne parviennent pas à réaliser les améliorations répondant aux besoins susmentionnés. Afin d’obtenir davantage de l’agriculture, l’Afrique doit lui consacrer davantage. Par exemple, le document de base sur la situation de la sécurité alimentaire et de l’agriculture en Afrique indique qu’en moyenne les agriculteurs d’Asie de l’Est utilisent environ 241 kg d’engrais à l’hectare afin de produire environ 4300 kg de céréales; et les agriculteurs des pays à revenus élevés utilisent 125 kg pour produire 4000 kg de céréales. Comment les agriculteurs d’Afrique subsaharienne, qui n’utilisent que 9 kg d’engrais à l’hectare, peuvent-ils attendre plus que les 990 kg qu’ils obtiennent à présent ? Afin d’arriver à de meilleurs rendements, ils doivent aussi avoir recours à davantage de nutriments et autres intrants, ce qui doit être financé soit par l’État, soit par des prix plus élevés pour leurs produits.

Les politiques et les décisions de dépenses publiques devraient se garder des préjugés défavorables à ce secteur. Les attributions de financement et l’engagement politique vis-à-vis de l’agriculture et du développement rural qu’elles indiquent constituent un préalable au progrès. Les infrastructures rurales indispensables devraient être réalisées, car sans elles l’agriculture et le développement rural ne pourraient attirer les investisseurs et ceux qui se trouvent déjà dans le secteur ne pourraient accéder aux marchés et être compétitifs. Quelles que soient les mesures prises par l’Afrique, il existe un besoin fondamental: celui de créer les conditions permettant à l’agriculture de faire des bénéfices de façon durable; pour cette raison, les marchés doivent fonctionner. De récentes réformes structurelles ont souvent révélé un déficit entrepreneurial au niveau de la commercialisation (et d’autres services agricoles) de telle sorte que les producteurs refusent de fournir des excédents pour le marché. Par ailleurs, le besoin se fera sentir, de façon générale, de rationaliser l’agriculture, de la rendre de plus en plus professionnelle et de lui donner une orientation plus commerciale, en impliquant pleinement les petits exploitants. Dans la transformation et le négoce des produits agricoles, il faudra prendre des mesures d’aide au secteur informel, qui peut servir de rampe de lancement pour une activité à plus grande échelle et de base de formation pour l’acquisition de connaissances entrepreneuriales et de techniques essentielles.

S’agissant du commerce international, l’Afrique étant un acteur très secondaire sur la scène mondiale (avec seulement trois pour cent du commerce des produits agricoles), ce continent ne va faire des progrès que si la communauté internationale lui offre des règles de jeu plus équitables où les produits des petits exploitants non subventionnés pourraient trouver un marché. Les petits agriculteurs africains sont actuellement désavantagés par rapport à leurs concurrents des pays industrialisés de l’OCDE, qui bénéficient d’aides importantes au niveau de l’exploitation, à l’exportation, de subventions en cas de récolte insuffisante ou de prix planchers et de dispositifs de sécurité. En raison de l’absence de mécanismes de stabilisation des prix pour les principaux produits d’exportation africains (y compris des produits importants comme le café), les producteurs subissent de fortes perturbations qui découragent l’effort et le réinvestissement. En outre, l’Afrique, manquant de capacité de réaction à l’offre, a été loin de saisir ses chances d’accroître sa part de marché là où elle disposait auparavant d’un accès préférentiel.

Mais en affrontant ces problèmes douloureux, elle ne devrait pas oublier qu’en tant que continent elle a été le premier exportateur d’un bon nombre de produits. Or, il n’y en a pratiquement plus aucun où elle garde une position prédominante. Sa primauté lui a souvent été ravie par d’autres régions ou pays en développement. Ceux-ci se sont consacrés avec acharnement à des produits déterminés et sont parvenus à occuper une place de premier plan sur ces marchés. L’Afrique n’a pas su concentrer ses efforts et elle a perdu sa position de chef de file, son rôle éminent ou notable pour le café, l’huile de palme, l’arachide et le coton. Comment l’Afrique peut-elle retourner la situation? Comment une concurrence sans merci entre pays peut-elle laisser la place à un partenariat sur des produits stratégiques pour lesquels des sous-régions entières d’Afrique peuvent obtenir de meilleurs rendements? Comment l’Afrique est-elle devenue importatrice nette même pour des produits alimentaires essentiels tels que le riz (Afrique de l’Ouest), le sorgho et le mil (Afrique sahélienne), le maïs (Afrique orientale et australe) et le manioc (Afrique équatoriale)?

Rendre en priorité l’agriculture rentable

Parmi les obstacles à la rentabilité et à la compétitivité de l’agriculture africaine, on peut souligner ce qui suit:

  • le manque de pouvoir d’achat interne permettant de générer des recettes pour l’agriculture et l’agro-industrie;
  • la concurrence déloyale de la part des produits fortement subventionnés des pays riches qui dominent les marchés internationaux et qui conduisent à des prix ne permettant pas de rémunérer les producteurs non subventionnés;
  • des infrastructures insuffisantes, entraînant des coûts élevés pour l’achat des intrants, l’entreposage et le transport des productions sur les marchés;
  • la carence des politiques propices et des services d’appui (tels que les services fonciers, technologiques et de financement) susceptibles de rendre attrayantes les opportunités d’investissement dans l’agriculture et l’agro-industrie;
  • un environnement à risque et instable, soit en raison de troubles intérieurs ou de guerres, soit du fait de politiques et de stratégies manquant de cohérence et souvent modifiées.

En créant des conditions meilleures pour l’agriculture, il faudra admettre que la prospérité rurale dépend non seulement de l’agriculture mais aussi de liens efficaces avec les entreprises non agricoles, dont certaines fournissent des biens et services essentiels pour une agriculture performante, alors que d’autres jouent un rôle important du fait de leur apport direct de revenus.

Attirer les investissements du secteur privé

Pour que le secteur privé et le petit exploitant en tant qu’investisseur réinvestissent dans l’agriculture, ils doivent être en mesure de réaliser des profits. Une rentabilité assurée attirerait des investisseurs supplémentaires. Sur un continent où les gouvernements sont trop démunis pour proposer des subventions ou des incitations importantes, la motivation par le profit est le seul facteur majeur qui soit réaliste et pousse au financement. L’échec du développement reposant sur le seul secteur privé, après les réformes structurelles, incite à penser qu’en Afrique, peut-être plus qu’ailleurs, l’intervention des pouvoirs publics est essentielle pour préparer le terrain à l’épanouissement de l’investissement privé. Lorsque les conditions deviennent « favorables », les mécanismes du secteur privé, tel que le secteur bancaire, sont en mesure de prendre le relais, incités par une amélioration des perspectives de profit.

Afin de créer ces conditions « favorables », il est essentiel de promouvoir une situation où le risque est réduit, avec un environnement macroéconomique stable, des systèmes de taux de change tenant compte du marché et une réglementation des affaires bien définie, afin d’accroître la stabilité des prix et d’encourager l’investissement. L’expérience passée démontre que des politiques macroéconomiques défavorables constituent le principal obstacle à la croissance de l’agriculture. Le cadre macroéconomique s’est amélioré dans un bon nombre de pays, mais dans un bon nombre d’autres, il reste encore des progrès à accomplir. Il convient d’améliorer la transmission des prix des marchés intérieurs et mondiaux jusqu’à la porte de la ferme. Il est primordial que les producteurs aient davantage d’opportunités. Dans bien des cas, la baisse des prix internationaux sur certaines cultures comme les céréales et, ce qui est plus grave, sur des cultures d’exportation comme le café et le coton, nécessite le renforcement des mesures incitatives en faveur d’autres produits et activités à forte valeur.

Obtenir des fonds de la part des donateurs et d’autres sources publiques extérieures

En ce qui concerne les donateurs/partenaires extérieurs, l’Afrique aura besoin, sur une longue période, de l’aide extérieure, ce qui peut par ailleurs favoriser l’accès à des idées et de la technologie nouvelles, et permettre des contacts pour des opportunités commerciales. Cependant, il arrive bien trop souvent que les donateurs financent l’essentiel du budget de l’agriculture des pays africains. Cela paraît extrêmement regrettable, peu durable, et à l’opposé de tout principe de sécurité nationale, la production alimentaire étant en jeu. Si l’Afrique dépend lourdement des donateurs pour son agriculture, tout en devant compter sur l’aide alimentaire, la sécurité et l’indépendance du continent sont fragilisées et courent un risque sérieux.

In Valeur ajoutée le mag

Rédaction
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