(BFI) – Les banques évoluent dans un secteur d’activité réglementé. Ainsi, elles sont assujetties à des normes (lois, circulaires, règlements, instructions) qu’elles doivent respecter. Les banques au Sénégal et dans la zone UMOA doivent tout d’abord obtenir un agrément avant de pouvoir exercer.
Après avoir obtenu leur agrément, les banques doivent respecter un certain nombre de réglementations, comme nous l’avons écrit plus haut. Dans le cadre de la lutte contre leblanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, elles font partie des personnes assujetties. Dès lors, elles doivent mettre en place un dispositif de lutte contre ces deux fléaux,en connaissant leur clientèle (KYC), en surveillant leurs transactions, en filtrant les personnes qui effectuent des transactions dans leurs livres, et en déclarant à la CENTIF toutes les opérations en espèces égales ou supérieures à 15 millions de francs CFA et les transactions suspectes…
Toutefois, les banques ne sont pas les seules personnes assujetties à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ; celle-ci doit être un effort collectif. Sinon, nous en pâtissons tous.
Il y a un fort soupçon que le boom immobilier que connaît le Sénégal est dû au blanchiment de capitaux. Si les notaires, les agents immobiliers ne jouent pas aussi leur rôle pour combattre le blanchiment de capitaux, le Sénégal y sera toujours en proie, et les classes moyennes continueront d’éprouver de grandes difficultés pour se procurer un logement.
Cela est également valable pour la corruption qui fait partie des infractions sous-jacentes du blanchiment de capitaux. Un pays qui connaît une forte corruption est un pays très vulnérable face au blanchiment de capitaux. Si le Sénégal ne combat pas avec force la corruption, il sera utopique de penser qu’il pourra éradiquer le blanchiment de capitaux.
Les banques doivent également respecter les réglementationsrelatives au dispositif prudentiel, faire preuve de loyauté envers leurs clients en leur vendant des produits et services adaptés à leurs besoins, et procéder, avant d’exécuter un transfert à l’étranger, à des vérifications telles que requises par la Réglementation sur les relations financières extérieures de l’Union…
Si elles ne respectent pas toutes ces réglementations, les banques s’exposent à des sanctions financières et disciplinaires de la part de la Commission bancaire, qui est leur organe régulateur. À l’échelle mondiale, les sanctions peuvent être très dures ; récemment, une banque allemande, Deutsche Bank, a été sanctionnée d’un montant de 186 millions de dollars par le régulateur américain pour non-respect du dispositif réglementaire de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Dans la zone UMOA, depuis juin 2022, des banques ont été sanctionnées de montants allant jusqu’à 300 millions de francs CFA pour non-respect de diverses réglementations qui leur sont applicables.
Les sanctions ont un impact important, parce qu’elles entraînent la mauvaise réputation d’une banque, ce qui peut faire fuir ses clients ou pousser ses correspondants bancaires à cesser toute relation avec elle. Dans la zone UMOA, les sanctions sont pour le moment anonymes, mais cela changera certainement dans le futur. À l’échelle internationale, le nom de la banque sanctionnée est publié, et tous les grands médias en parlent, nuisant à son image et à sa réputation.
Le rôle de la conformité est de s’assurer que toutes les réglementations qui sont applicables à une banque sont respectées, en son sein. Pour cela, la fonction conformité ou compliance doit identifier toutes les normes qui régissent une banque, les diffuser à l’ensemble du personnel et établir des contrôles pour s’assurer de leur respect. Par ailleurs, elle doit former et sensibiliser l’ensemble du personnel sur le respect des règles. Pour assurer son indépendance, elle doit rendre compte au Conseil d’administration et ne doit pas exercer des fonctions opérationnelles ou génératrices de revenus pour éviter tout conflit d’intérêts.
Les banques sont tenues de disposer « d’une fonction conformité permanente » dans la zone UMOA, selon la circulaire 05/2017/CB/C. C’est une chose d’en disposer d’une, c’en est une autre que ses avis soient sollicités et écoutés. Certaines entreprises mettent en place une fonction conformité cosmétique, parce que la réglementation le leur exige. Cependant, elles n’écoutent pas l’avis de la fonction conformité, et même, le marginalisent. Aussi dit-on que la conformité commence par le sommet, le Conseil d’administration et la Direction générale d’une entreprise, ce que les Anglo-Saxons appellent le « tone from the top », ou le ton donné par le sommet.
Les dirigeants d’une banque doivent montrer, à travers leurs mots et leurs actes, que la conformité est importante pour eux, qu’elle fait partie intégrante de l’entreprise. Pour cela, ils doivent lui octroyer des ressources humaines suffisantes et les ressources matérielles nécessaires afin qu’elle puisse être efficace dans ses tâches. La fonction conformité à elle seule ne peut faire respecter les règles dans une entreprise. Si elle n’a pas le soutien du top management, aussi volontaire et compétente soit-elle, elle sera inefficace.
C’est le sens des mots de Peter B. Driscoll, directeur de l’Office of Compliance Inspections and Examinations du Securities and Exchange Commission (SEC), le régulateur américain de la Bourse, dans un discours qu’il prononça le 19 novembre 2020, intitulé « The Role of CCO – Empowered, Senior and With Authority :
« L’un des aspects les plus importants d’un programme de conformité efficace consiste à faire en sorte que le top management soutienne la Conformité et donne à son directeur les moyens d’accomplir son travail efficacement. Sans le soutien de la Direction générale, aucun directeur de la conformité, aussi diligent et compétent soit-il, ne peut être efficace (…) La cause ou le blâme d’un problème ou d’un échec de conformité n’incombe généralement pas uniquement au directeur de la Conformité et peut ne pas être dû en totalité au directeur de la Conformité. »
Dans notre livre La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA, nous insistons sur l’importance que le top management doit accorder à la fonction conformité. Pourquoi ? Les travaux de Robert Cialdini, dans son livre Influence et manipulation, montrent que l’autorité fait partie des mécanismes de persuasion les plus efficaces. Les subalternes sont influencés par leurs supérieurs. Quand ces derniers montrent l’exemple, non pas juste par leurs mots,mais aussi par leurs actions, se diffusera, au sein d’une entreprise ou d’une banque, une culture de conformité. Cela entraînera que les règles y seront respectées, parce que cela fait partie de la culture d’entreprise.
À défaut, comme nous l’avons vu plus haut, une entreprise ou une banque sera sanctionnée, et si ces sanctions sont diffusées nommément, sa réputation sera ébranlée. La réputation fait partie des actifs les plus importants d’une entreprise.
Ce livre a été écrit pour aider les banques de la zone UMOA à se conformer à leurs obligations réglementaires. Il leur montre comment implanter un dispositif de conformité et comment l’appliquer. L’époque où une banque pouvait accepter n’importe quel dépôt sans demander des justificatifs sur la provenance des fonds et s’assurer de leur licéité est révolue, l’époque où elle pouvait vendre à sa clientèle des produits et services inadaptés à ses besoins est aussi révolue – les clients peuvent transmettre une réclamation à une banque, et celle-ci est tenue d’y répondre dans un délai d’un mois. Dans le cas contraire, ils peuvent saisir la Commission Bancaire à l’adresse web suivante : (https://www.cb-umoa.org/index.php/fr/reclamation).
Aujourd’hui, une banque est tenue de se conformer aux règles et d’agir avec éthique et déontologie. Pour cela, la conformité est un bien nécessaire ; elle apporte une grande valeur ajoutée à une banque qui lui accorde de l’importance.
Moussa SYLLA, Auteur du livre « La conformité bancaire au Sénégal et dans la zone UMOA»