(BFI) – Avec un produit intérieur brut à 8 800 dollars par habitant en 2022 selon la Banque mondiale, le Gabon se situe dans la fourchette haute des pays africains. C’est deux fois mieux que l’Algérie, par exemple, grâce essentiellement au pétrole. Les réserves sont en déclin mais les gisements fournissent encore 70% de ses revenus d’exportations à cette république d’Afrique centrale, la moitié de ses recettes fiscales et 40% de son PIB.
Le Gabon a été éreinté par la crise pétrolière de 2014. Puis, il est tombé en récession pendant la pandémie de Covid-19, mais il a retrouvé le chemin de la croissance, et la maîtrise de ses finances publiques est en bonne voie. Le bois et le manganèse sont les autres richesses naturelles de ce pays grand comme la moitié de la France.
Les entreprises françaises, par exemple, sont très présentes dans le pétrole. TotalEnergies bien sûr, surtout dans la distribution, mais aussi des entreprises de plus petite taille comme l’empire familial Perenco, premier contributeur fiscal du Gabon selon une note du Trésor français. Maurel & Prom, qui vient de racheter une société américaine, serait aujourd’hui le premier producteur de pétrole gabonais. Eramet extrait le manganèse via sa filiale Comilog et le groupe Rougier exploite les forêts.
Cette présence est ancienne et de plus en plus concurrencée par l’arrivée des Chinois et des Singapouriens. La France reste le premier fournisseur du Gabon, mais la Chine est devenue le premier investisseur. Autre acteur de poids : Singapour avec son géant de l’agro-business Olam, devenu incontournable en 20 ans d’activités sur place. Ces entreprises étrangères sont les maillons-clés de cette économie de rente qui a permis au Gabon de décoller.
La situation socio-économique des Gabonais est aujourd’hui assez désolante. Le tiers des deux millions d’habitants vit avec moins de 5,50 dollars par jour, c’est-à-dire en dessous du seuil de pauvreté fixé par la Banque mondiale. Le chômage est endémique. Il concerne 22% de la population active.
Le chômage est même une calamité pour les plus jeunes : plus du tiers des 15-24 ans sont sans emploi. L’État, le premier employeur du pays, a bloqué les embauches et geler les salaires, et les entreprises privées concentrées dans l’exploitation de la rente génèrent peu de création d’emplois, hormis l’exploitation de la forêt. En 2009, quand il succèda à son père, Ali Bongo promettait l’émergence pour 2025. Faute d’un suivi rigoureux, cet objectif est aujourd’hui hors de portée.
Comme il est fréquent dans les économies de rente, le ruissellement espéré par la majorité se perd dans les poches profondes d’une minorité proche du pouvoir. La corruption priverait le pays de 700 millions d’euros de revenus par an. À partir de 2019, plusieurs instances ont été mises en place par le président Ali Bongo pour éradiquer ces pratiques. Malgré quelques procès retentissants, les résultats n’ont pas convaincu la population.
D’après l’Afrobarometer de 2022, une majorité écrasante considère que la corruption s’est aggravée en 2022. Mais 90% des personnes interrogées redoutent des représailles si elles dénoncent des faits de corruption. Une défiance et un dénuement qui nourrissent sans doute les sentiments de joie et de soulagement qui se sont exprimé dans les rues de Libreville après le coup d’État.