AccueilFinanceConjonctureL’épargne communautaire, un pas vers la formalisation

L’épargne communautaire, un pas vers la formalisation

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(BFI) – Selon une étude de l’ONG Impact, qui prend appui sur le secteur de l’or artisanal au Burkina Faso, le soutien organisé des communautés constitue un bon compromis entre l’informel, source de trafics, et les institutions de financement, souvent absentes des zones rurales.

La prévalence de la pauvreté au sein des populations du Burkina Faso explique en partie l’attrait qu’exerce l’extraction artisanale et à petite échelle de l’or, une pratique profondément ancrée dans le contexte économique et socioculturel du pays depuis l’époque précoloniale. Les crises alimentaires, les sécheresses répétitives, ont provoqué un déplacement des zones d’exploitation minière du sud vers les provinces au nord du pays.

Aujourd’hui, les activités d’extraction artisanale de l’or sont exercées dans les régions les plus pauvres et les plus instables du pays. Elles représentent un gagne-pain essentiel pour des centaines de milliers d’exploitantes et d’exploitants miniers et les personnes à leur charge. Les revenus tirés de l’or venant compléter ceux d’autres activités, agriculture et commerce maraîcher, principalement.

Les structures communautaires sont adaptées à toutes les populations, accessibles aux femmes, et ont des retombées positives sur la sécurité économique et la cohésion sociale des communautés, en contribuant aux stratégies de prévention des conflits et de pacification. Ce, tant au Burkina Faso que dans d’autres environnements à haut risque.

Nombreux sont les facteurs qui incitent les artisans miniers et négociants à exercer leurs activités en dehors des circuits légaux. Les circuits de vente légaux sont souvent hors de portée des mineurs artisanaux, en raison des coûts trop élevés qu’ils représentent. De plus, la plupart des organismes et services gouvernementaux chargés d’autoriser l’extraction, l’achat et la vente d’or sont situés à bonne distance des sites miniers. L’or est acheté et vendue par des négociants burkinabé, ainsi que par des commerçants liés à la Chine ou les Émirats.

Si l’extraction artisanale de l’or contribue à la sécurité économique de plusieurs, elle se trouve de plus en plus dans la mire des autorités en tant que source de financement des groupes armés de la région, dont les djihadistes actifs au Sahel. Une panoplie de mécanismes sont mis à profit pour extraire de la valeur du secteur, que ce soit la taxation des voies de transport de l’or, la création de rackets de protection ou même prendre le contrôle des gisements aurifères. La clé des activités d’extraction artisanale de l’or réside dans le préfinancement. Celui-ci consiste en des avances de fonds, par les acheteurs d’or, aux exportateurs, qui avancent à leur tour des fonds aux acteurs qui les précèdent dans la chaîne d’approvisionnement, comme les négociants et les coopératives ou opérations minières artisanales, qui avancent eux-mêmes des fonds aux artisans miniers. Ce mode de financement aide les artisans à subvenir à leurs besoins essentiels, comme se loger et se nourrir, pendant qu’ils travaillent pour extraire suffisamment d’or à vendre. Il les aide également à couvrir le coût de l’équipement et du carburant nécessaires à la poursuite de leurs activités.

Guichet de banque

Où est la microfinance ?

Le plus souvent, les exploitantes et exploitants miniers remboursent leur créancier en lui versant un pourcentage de l’or qu’ils ont produit. Contrairement aux pratiques connues en RD Congo, les exploitants miniers n’utilisent pas l’or pour leurs achats quotidiens, mais à rembourser leurs prêteurs.

Le modèle du préfinancement n’est pas mauvais en soi, juge IMPACT, auteur d’une étude intitulée « Inclusion financière par la base ; comment l’épargne communautaire peut ouvrir la voie à la formalisation de l’or artisanal, au Burkina Faso ». Sa viabilité dépend de sa capacité à répondre aux besoins économiques de toutes les parties prenantes de la chaîne d’approvisionnement.

Les marges doivent dégager des bénéfices, après déductions des coûts administratifs, des impôts et redevances, des frais de transport, d’assurance, etc. Or, quand les marges nettes dégagées par les circuits de vente légaux sont trop faibles, les acteurs sont tentés de recourir à la contrebande et au commerce illicite. « Aussi est-il non seulement primordial de s’assurer que les parties prenantes ont accès à du financement, mais aussi que le contexte local ne rend pas le commerce légal de l’or trop peu concurrentiel par rapport au commerce illicite », jugent les auteurs de l’étude.

Dans ce contexte, les institutions de microfinance pourraient jouer un rôle essentiel dans cette filière, détaille l’étude. Or, les IMF sont trop réticentes à s’ouvrir aux communautés minières. C’est pourquoi les exploitants se tournent vers les circuits informels, et en deviennent dépendants. Qu’on les appelle « tontines », « susus », « manèges » ou « xitiques », ces formules, si elles sont communautarisées, forment les « AVEC » (Association villageoise d’épargne et de crédit).

La place centrale des femmes

L’idée qui les sous-tend est simple : faire passer l’inclusion financière de l’emprunt à l’épargne tout en tirant parti des relations de confiance entre les membres d’une communauté. Il s’agit d’éviter un « cercle vicieux » : les exploitants sont redevables à des prêteurs informels, donc se tournent vers des marchés parallèles, moins scrupuleux que les négociants formels, ce qui les rend encore plus dépendants de leurs créanciers informels.

D’autre part, l’étude vient rappeler que 23% de la main-d’œuvre sur les sites miniers sont des femmes. Elles sont engagées dans l’orpaillage au Burkina Faso, assument différentes tâches telles que le lavage des minéraux et le creusage, ainsi que des activités de soutien, entre autres, dans de petites entreprises. Et qu’outre des inégalités de revenus, il subsiste des inégalités de genre en ce qui concerne l’accessibilité du financement.

De plus, En vertu des traditions et des restrictions légales, les femmes ne peuvent détenir ni hériter de parcelles et de droits miniers, ce qui les prive des capitaux dont elles ont besoin pour développer leurs activités. Au Burkina Faso, comme en Guinée, chaque tiers des bénéfices de la vente d’or est réparti entre les exploitants de premier rang, les propriétaires de machinerie et les exploitants de second rang. Les femmes, qui sont considérées comme des exploitantes de second rang, reçoivent quant à elles seulement un quart de ce tiers, soit l’équivalent de 8 % du total des produits de la vente d’or.

En renforçant la résilience économique de leurs membres, les AVEC peuvent contribuer à les mettre à l’abri de l’insécurité en période de crise. Cette résilience peut revêtir plusieurs formes, qu’il s’agisse d’investir dans des activités génératrices de revenus autres que l’exploitation minière pour compenser les périodes de baisse de la production d’or ; d’investir dans la modernisation de la technologie et des équipements miniers artisanaux pour accroître les rendements et la productivité; ou encore de créer un fonds de solidarité pour aider les membres à faire face aux dépenses imprévues. Tous ces moyens peuvent contribuer à protéger les moyens de subsistance, une recommandation dont l’importance est largement reconnue dans la prévention des conflits, et notamment des conflits liés à la gestion des ressources naturelles.

Rédaction
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