(BFI) – C’est le taux auquel le Fonds monétaire international (FMI) propose au Cameroun. Si Yaoundé valide cette proportion de hausse suggérée, les prix passeront de 630 F à 764 F pour le Super, de 575 F à 697 F pour le Gasoil et de 350 F à 424 FCFA pour le pétrole lampant. Comme en 2014, année de de la dernière hausse, l’État doit préparer des mesures ciblées pour atténuer l’impact de cette hausse des prix sur les populations les plus vulnérables.
En juin 2022, une équipe de mission du Fonds monétaire international a séjourné au Cameroun dans le cadre de la seconde revue des accords au titre de la facilité élargie de crédit et du mécanisme élargi de crédit. Si la résilience du pays face aux chocs exogènes a été saluée par les experts de Bretton Woods, il reste néanmoins que les cadres de l’institution n’ont pas caché leurs préoccupations face à la hausse exponentielle des subventions des carburants à la pompe. En effet, en raison de la guerre en Ukraine et de la remontée des cours du brut sur le marché mondial, le Cameroun qui est un importateur net de produits pétroliers, a déboursé 700 milliards pour subventionner les prix du carburant à la pompe en 2022.
Une gageure pour le FMI, qui estime que ladite subvention freine l’investissement public. «L’impact de la hausse des prix internationaux du pétrole sur le budget est mitigé, car l’augmentation des recettes pétrolières est plus que compensée par une hausse substantielle des subventions aux carburants visant à maintenir inchangés les prix de détail administrés des carburants. L’augmentation du coût des subventions est donc compensée par la réduction d’autres dépenses, notamment celles consacrées aux projets d’investissement», a-t-il indiqué. Les services du FMI soulignent par ailleurs que le niveau actuel des subventions aux combustibles n’est pas viable et conseillent aux autorités d’augmenter progressivement les prix à la pompe à partir de l’année prochaine (2023)
Les hypothèses du FMI
Afin de permettre au gouvernement camerounais d’opérer un choix éclairé, le Fonds monétaire international a, dans le rapport qui a sanctionné la seconde revue susmentionnée, soumis à son attention 5 hypothèses de structuration des prix des carburants à la pompe. L’institution financière internationale évoque tout d’abord le statut quo ; c’est-à-dire le maintien des subventions à leur niveau actuel. Dans ce cas de figure, elle croit savoir «qu’il en coûtera 2,5 % du PIB pour maintenir les prix à la pompe à leur niveau actuel (630, 575 et 350 francs CFA le litre pour l’essence super, le gasoil et le pétrole lampant, respectivement), avec une contribution nette au budget négative estimée à 236 milliards de francs CFA correspondant à -0,8 % du PIB en 2023, ce qui représente une position intenable puisque les autorités devront prévoir au budget 712 milliards de francs CFA pour subventionner la consommation de carburant», peut-on lire dans ledit rapport.
La seconde hypothèse tient compte des conséquences socio-économiques qu’entraînerait la répercussion intégrale des variations des prix internationaux sur les tarifs locaux du prix du carburant. De l’avis du FMI, une telle mesure va automatiquement occasionner une augmentation générale de 64 % du prix des combustibles. Ce qui équivaut à des augmentations des prix à la pompe à 1 033, 943 et 574 francs CFA en moyenne au litre pour l’essence super, le gasoil et le pétrole lampant respectivement. Bien que bénéfique pour les caisses de l’Etat qui profiteraient alors d’une provision financière supplémentaire en raison de la diminution de l’enveloppe des subventions, le FMI croit savoir que cette décision pourrait se heurter à une forte opposition des populations qui font déjà face au renchérissement des prix des produits alimentaires.
Contrairement à la mesure proposée ci-dessus, le gouvernement camerounais a également la possibilité d’opter pour une augmentation de moindre importance. Soit un ajustement haussier équivalent à 21% qui serait conforme au seuil de rentabilité de la contribution nette des produits pétroliers au budget. Les prix à la pompe devraient alors s’établir à 764, 697 et 424 francs CFA le litre pour l’essence super, le gasoil et le pétrole lampant respectivement. «Dans ce scénario, les subventions diminuent à 476 milliards de francs CFA, un montant qui demeure élevé, à 1,7 % du PIB, mais inférieur au coût de 712 milliards de francs CFA dans le scénario [aucun changement]. Une augmentation des prix inférieure à 21 % entraînerait une contribution nette au budget négative, étant donné les subventions aux carburants plus élevées qui en découleraient», précise le FMI, qui conseille d’ailleurs fortement cette option au Cameroun. Si Yaoundé valide la proportion de hausse suggérée par l’institution, les prix passeront de 630 F à 764 F pour le Super, de 575 F à 697 F pour le Gasoil et de 350 F à 424 FCFA pour le pétrole lampant.
La quatrième option que soumet le FMI à l’attention du Cameroun est de rétablir des subventions à leur niveau d’avant la guerre en Ukraine, soit 159 milliards de FCFA. Toutefois, il déconseille subtilement aux autorités d’opter pour ce mécanisme. «Les résultats de la simulation indiquent que, compte tenu du niveau actuellement élevé des prix internationaux du pétrole, ce scénario entraînerait une forte augmentation des prix à la pompe (51 %). Cette augmentation, bien qu’inférieure à celle obtenue dans le cadre du scénario de répercussion intégrale (64 %), se heurterait très probablement à une opposition semblable de la part de la population»
La toute dernière option qui se présente aux autorités locales est la reproduction de l’augmentation à 15% de juillet 2014. Seulement, dans ce scénario, les subventions aux combustibles demeurent élevées, s’établissant à 545 milliards de francs CFA ou 1,9 % du PIB. Quant à la contribution nette au budget, elle resterait en territoire négatif, à -0,2 % du PIB, exerçant des pressions sur la gestion des flux de trésorerie, prévient le FMI.
Limiter l’impact sur les ménages
Bien que convaincu de la nécessité de réduire, voire de supprimer les subventions des carburants ; le FMI préconise tout de même une certaine éthique dans le processus qui devrait aboutir à cette dure réalité. Elle recommande pour cela l’adoption d’un calendrier précis pour la suppression totale des subventions aux combustibles à moyen terme, tout en élaborant des mesures ciblées pour protéger les plus vulnérables. Mais également, des hausses de prix différenciées avec une augmentation (ou un maintien au même niveau) du prix du kérosène à un taux beaucoup plus faible que pour d’autres combustibles tels que le super et le diesel.