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Le Cameroun veut collecter la taxe foncière via le paiement des factures d’électricité

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(BFI) – Dans le draft du projet de loi de finances 2023 de l’État du Cameroun, qu’Investir au Cameroun a pu consulter, le gouvernement ambitionne une nouvelle fois d’associer la société Eneo, concessionnaire du service public de l’électricité dans le pays, à la collecte de la taxe sur la propriété foncière.

Cette nouvelle tentative survient après l’échec de 2017. Cette année-là, le président de la République, Paul Biya, a demandé au gouvernement de supprimer la collecte de la taxe sur la propriété foncière par les entreprises de distribution de l’électricité du projet de loi 2018.

« La taxe sur la propriété foncière est collectée par douzième par les entreprises de distribution de l’électricité, à l’occasion de la facturation des consommations aux abonnés propriétaires. En aucun cas, le paiement de la facture d’électricité ne peut être dissocié de celui de la taxe sur la propriété foncière », pouvait-on lire dans la première mouture de ce texte.

Au lieu de coupler le paiement de cet impôt au paiement des factures d’électricité, le gouvernement propose quelques aménagements dans sa nouvelle proposition. Il laisse notamment au contribuable la possibilité de déclarer et payer spontanément sa taxe sur la propriété foncière via les canaux usuels, au plus tard le 30 juin de l’année ; ou alors de la faire prélever automatiquement par la compagnie d’électricité. Dans ce dernier cas, apprend-on, « le paiement par prélèvement automatique est effectué en même temps que le paiement de la facture d’électricité. Le redevable ne peut en aucun cas dissocier le paiement de ladite facture de celui de la taxe ». 

Au demeurant, souligne le draft du projet de loi de finances 2023, « en l’absence d’une déclaration ou de paiement spontané de la taxe sur la propriété foncière par le redevable, celui-ci est supposé avoir opté pour les prélèvements automatiques » par la compagnie d’électricité, désormais reconnue comme étant le « redevable légal » de cette taxe. Mieux, le gouvernement camerounais se propose d’encourager les contribuables qui optent pour le prélèvement automatique de la taxe foncière par la compagnie d’électricité. « Les contribuables qui optent au cours de l’exercice 2023, pour le paiement de la taxe sur la propriété foncière à travers la facture d’électricité sont dispensés des rappels d’impôts au titre de ce prélèvement, ainsi que des pénalités et intérêts de retard sur la période non prescrite », suggère le draft du projet de loi de Finances 2023.

La réforme de la collecte de la taxe foncière que propose une nouvelle fois le gouvernement camerounais vise à contourner « les difficultés de recouvrement des impôts fonciers, dans un contexte d’incivisme fiscal et d’absence de moyens de contraintes en cas de non-paiement spontané », peut-on lire dans un document officiel de la direction générale des Impôts (DGI) du ministère des Finances. Si cette réforme est validée par les parlementaires, apprend-on, la DGI ambitionne de doubler, dès la première année, l’enveloppe de 5 milliards de FCFA actuellement collectée chaque année au titre de la taxe sur la propriété foncière, qui pourrait rapporter jusqu’à 100 milliards de FCFA sur le long terme, lorsque la réforme sera entièrement opérationnalisée, souffle-t-on à la DGI.

Une réforme difficile à mettre en œuvre

Encouragée depuis 2017 par la FMI, qui y voit non seulement une opportunité d’augmentation des recettes non pétrolières, mais aussi une occasion idoine pour garantir la transparence sur la propriété immobilière au Cameroun, la réforme suggérée par le gouvernement porte cependant en elle-même les germes d’une implémentation difficile. D’abord, en raison des difficultés d’accès aux documents officiels tels que les titres fonciers, les certificats de propriété ou encore les permis de bâtir. En effet, dans de nombreux cas, à cause des tracasseries et lenteurs administratives, il faut souvent attendre de nombreuses années pour disposer d’un ou tous ces documents. Pourtant, la réforme envisagée fait obligation au redevable de la taxe foncière, de « fournir les références de son titre de propriété ou de tout autre document en tenant lieu », au moment « de sa déclaration en ligne ».

Ensuite, le succès de la réforme de la collecte de la taxe foncière, telle que proposée par le gouvernement, est assujetti à une étroite collaboration entre plusieurs acteurs. Ce qui n’est pas gagné d’avance. « Les services en charge du cadastre, des affaires foncières et les services techniques des collectivités territoriales décentralisées, émetteurs des titres de propriété, des permis de bâtir ou d’implanter, des devis de construction et autres documents assimilés, sont tenus d’en adresser copie à l’administration fiscale dans les trois mois de leur établissement (…) les notaires sont tenus de transmettre par voie électronique à l’administration fiscale, l’état des mutations de propriétés dressées par leurs soins, dans un délai de trois mois à compter de la signature desdits actes », peut-on lire dans le draft du projet de loi de finances 2023, qui met ainsi en exergue la partition que devraient jouer dans la nouvelle réforme, des acteurs parfois accusés d’être les principaux fossoyeurs de la transparence en matière foncière.  

Enfin, s’exprimant sur le sujet, l’inspecteur principal des impôts, Alain Symphorien Ndzana Biloa, indiquait déjà que cette réforme porte les germes d’une tension sociale, au regard du volume du contentieux que sa mise en œuvre pourrait générer. En raison du fait que 70 à 80% des abonnés d’Eneo sont des locataires et donc ne sont pas redevables de la taxe foncière. Mieux, la majorité d’entre eux ne dispose pas de contrat de bail pouvant justifier leur statut de non-propriétaire face au fisc. En effet, fait observer un agent du fisc, déjà peu habitués à signer des contrats de bail avec leurs locataires, les propriétaires immobiliers sont devenus encore plus réticents à signer ce document depuis la mise en œuvre par l’État de mesures visant à collecter davantage la taxe foncière. Objectif : ne pas être répertorié comme redevable de la taxe foncière par l’administration fiscale.

Rédaction
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