(BFI) – Avantages comparatifs favorables sur l’empreinte carbone, faible coût du service et durabilité : le chemin de fer présente de nombreux atouts pour accompagner l’intégration économique africaine. Pour cela, il faut réinventer les stratégies de financement et répartir les rôles entre les parties prenantes.
Selon la Banque africaine de développement, le transport ferroviaire est un facteur clé du développement économique et le négliger pourrait priver l’Afrique d’un levier essentiel pour tirer le maximum de profit de toutes les potentialités offertes par l’abondance de ses ressources naturelles et de ses richesses.
Et même s’ils ne sont pas « la panacée à tous les problèmes du secteur », l’institution basée à Abidjan suggère que les gouvernements tirent les enseignements des échecs des contrats de concession des années 90, et se tournent vers une nouvelle approche, plus efficace.
Ainsi, pour la Banque, « les projets ferroviaires devraient se concentrer sur des segments où le transport ferroviaire réalise effectivement une meilleure performance, avec des coûts inférieurs, comparativement à d’autres moyens de transport ; quand il s’agit notamment de transporter un grand nombre de passagers ou des volumes importants de marchandises sur une distance donnée. »
Sur un continent en pleine croissance, appelé à s’intégrer davantage, la banque multilatérale estime que, pour être rentable et viable, les nouveaux projets d’infrastructures ferroviaires devraient se développer dans les principales régions métropolitaines, les corridors très peuplés et ceux entre les ports et les marchés intérieurs (pays sans littoral) ainsi que les bassins miniers.
Dans une étude publiée par le bras financier de l’Agence française de développement dédié au secteur privé, Proparco, l’institution française ne manque d’ailleurs pas de rappeler que la mise en service du chemin de fer entre le Burkina et la Côte d’Ivoire, un corridor dynamique pour les échanges commerciaux, l’économie d’échelle a atteint 280 millions de dollars.
Alors que les dernières vagues de financement des voies ferrées ont échoué sur le continent, les experts affirment que le succès des nouveaux projets passera par un changement de stratégie. Ainsi, côté mobilisation du financement, le secteur privé d’une part, les institutions financières internationales d’autre part, ont un rôle important à jouer.
« On considère généralement que les partenariats public-privé peuvent jouer un rôle dans le financement desdits projets. » Mais c’est toute l’ingénierie financière autour de ces projets qu’il faut réadapter. « Les infrastructures ferroviaires, le matériel roulant et les opérations devraient, cependant, être fractionnés dans l’élaboration des contrats et examinés séparément sur le plan financier », indiquent les experts de la Banque africaine de développement.
La mobilisation des ressources pour les chemins de fer sera l’un des points de discussion lors de l’Africa Investment Forum 2022 à Abidjan, en Côte d’Ivoire, qui se tiendra du 2 au 4 novembre.
Cette rencontre co-organisée par la BAD et ses partenaires est une plateforme destinée à mobiliser les investisseurs régionaux, internationaux et institutions financières internationales autour des grands projets structurels, moteurs de croissance sur un continent où la demande en infrastructures de transport est croissante.
Cette édition 2022 mettra en avant plusieurs projets ferroviaires en quête de financement. Que ce soit la BAD, Afreximbank, Africa50 ou l’AFC, les institutions africaines de financement entendent bien accélérer le mouvement. Le ton a été donné déjà en mars dernier, lors des réunions virtuelles en salle de conseil, organisées par l’Africa Investment Forum. Sessions qui ont réuni des investisseurs, des promoteurs de transactions et des ministres afin de faire avancer les deals annoncés lors des dernières éditions et qui n’ont pas encore été finalisés.
A cet effet, une place de choix a été offerte au projet de construction d’une ligne ferroviaire Lomé-Cinkassé, d’un montant de 4,3 milliards de dollars. Cette voie ferrée à écartement standard, de 670 km, dispose d’un prolongement ferroviaire de 360 km allant de Cinkassé à Ouagadougou, d’un parc de stockage, d’une installation d’exportation de minéraux en vrac et de manutention de fret et, potentiellement, d’un port sec à conteneurs. Une fois achevé, le chemin de fer devrait traiter 50 millions de tonnes de trafic d’importation et d’exportation par an.
L’autre infrastructure ferroviaire dont le financement est en discussion est un projet de corridor ferroviaire, d’un coût de 3,3 milliards de dollars, qui entend relier le port de Dar-es-Salaam, en Tanzanie, aux zones enclavées de la région (Ouganda, Rwanda, Burundi et RDC).
La question de la relance du rail intervient alors que l’Union africaine ambitionne de connecter les capitales africaines par un vaste réseau ferroviaire moderne. Ambition qu’elle justifie notamment par la rentabilité et le bilan carbone nettement meilleur du transport ferroviaire.
Selon une étude de la Chinese Academy of Sciences de Beijing (2021), les chemins de fer en Afrique pourraient réduire les coûts externes du transport (bruit, pollution, embouteillages, accidents etc.) d’au moins 47,5 % par passager au km et 75,4 % par tonne de marchandises au km, en comparaison aux modes routiers. La même source indique que le fret ferroviaire produit entre 75 % et 85 % d’émissions de gaz à effet de serre en moins par unité de transport par rapport aux camions articulés, « ce qui se traduit par un bénéfice d’environ 0,1 à 0,4 centime par tonne-km nette ».