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Zone Cemac : une coopération presqu’utopique ?

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(BFI) – La libre circulation des marchandises dans un marché intérieur est l’une des quatre libertés fondamentales définies dans les grandes théories des économies communautaires, au même titre que celle des capitaux, des services et des personnes notamment. Si ces principes sont souvent respectés dans des marchés souvent pris pour modèle comme l’Union Européenne, qu’en est-il de la Cemac ?

D’entrée de jeu, il faut rappeler que la Communauté écono­mique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) est une organi­sation sous régionale d’Afrique centrale dont la mission première est préci­sée dans l’Article 1er du traité de N’Djame­na de 1994 : « La mission essentielle de la Communauté est de promouvoir un déve­loppement harmonieux des États membres dans le cadre de l’institution de deux unions : une union économique et une union mo­nétaire ».

Si l’union monétaire, bien que très souvent contestée, est une réalité à travers le franc CFA, on constate un vrai déficit sur le plan de l’union économique.

Une union économique est un accord entre deux ou plusieurs pays pour permettre aux marchandises, aux services, à l’argent et aux travailleurs de franchir librement les fron­tières. La libre circulation des marchandises au sein de la Cemac est donc consacrée par la « constitution » de celle-ci. Et le levier per­mettant de garantir la libre circulation des marchandises n’est autre que la Douane, ou alors les Douanes du marché commun.

Ce marché commun est notamment évoqué dans la section 3 du titre II du traité de N’Djame­na en son Article 13, 1er alinéa, qui prévoit « l’éli­mination des droits de douanes intérieurs, des restrictions quantitatives à l’entrée et à la sortie des marchandises, des taxes d’effet équivalent, de toute autre mesure d’effet équivalent sus­ceptible d’affecter les transactions entre les États membres ».

La Cemac bénéficie donc de son propre code douanier (en théorie unique), dont la légiféra­tion est le fait du Conseil des ministres de l’Union économique des États de l’Afrique centrale (CM-UEAC). Le Cameroun y est souvent repré­senté par ses ministres de l’Économie et celui des Finances.

Un Tarif extérieur commun (TEC) a égale­ment été adopté au sein de la zone Cemac, élargie à la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac) dans le but d’alléger les procédures et simplifier les déplacements des opérateurs écono­miques.

Quid de la pratique ?

Si en théorie on a pu noter des efforts des gouvernements depuis la création de l’Union douanière équatoriale en 1959 et le traité de Brazzaville de 1964, dans le quotidien, la libre circulation des marchan­dises n’est pas complètement effective. On peut encore constater à nos postes de frontières internes l’application de droits de douane intracommunautaires, malgré certains acquis comme la réduction des droits allant jusqu’à 70% sur les produits de première nécessité.

Prenons concrètement l’exemple d’un produc­teur de sucre basé dans la ville de Mbandjock, département de la Haute-Sanaga, région du Centre, lequel souhaiterait commercialiser sa production à Bangui en Centrafrique. Non content d’avoir à sup­porter les traditionnels coûts de production ainsi que ceux de transport sur plus de 1.000 km, il devra en plus s’acquitter de taxes douanières à hauteur de 30% de la production qu’il souhaite écouler. Un sac de 50 kg de sucre qui coûte, en fonction des saisons, entre 27.000 Fcfa et 30.000 Fcfa reviendra donc à environ à 41.000 Fcfa sur le marché à Bangui. Nous sommes bien loin du rêve de marché unique. Cette expérience pourrait être répétée sur plusieurs spéculations et chaînes de valeurs que le constat serait le même. A ce jour, la coopération douanière au sein de la zone Cemac reste faible.

Péril sur l’intégration régionale

L’intégration régionale ou sous-régionale est sou­vent présentée comme le processus qui consiste en la levée des barrières physiques, politiques, sociales et économiques entre des pays voisins afin de ga­rantir une parfaite coopération sur tous ces plans entre ceux-ci. Elle permet alors d’élargir les marchés des uns et des autres et peut ainsi permettre de compenser des secteurs défaillants dans un pays, par la solidité du voisin dans lesdits secteurs.

Le socle d’une bonne intégration repose sur deux piliers que sont l’intégration politique. Ce qui néces­site des volontés politiques convergentes, et l’inté­gration économique, celle-ci obéissant à 6 étapes : la constitution d’une zone de libre-échange, l’union douanière, le marché commun, l’union politique ( ?), l’union économique et monétaire et l’union mo­nétaire.

Si sur le papier les cinq premières étapes semblent effectives, reste l’étape fatidique et déterminante de l’implémentation qui repose sur l’union poli­tique. Y a-t-il une véritable volonté politique des ac­teurs de la Cemac d’aller vers un marché commun? La réponse ne devrait souffrir d’aucune contesta­tion : c’est NON.

Cette absence de volonté politique des décideurs trouve son explication en deux points. Dans un pre­mier temps, il faut rappeler l’instabilité politique et sécuritaire qui sévit dans la sous-région (le Came­roun au nord et à l’ouest, le Tchad, la République centrafricaine, entre autres), conduisant les pays a fermer leurs frontières dans un souci de sécurité intérieure. Ensuite, on peut évoquer des difficul­tés structurelles liées notamment aux disparités constatées dans les procédures administratives entre les différents pays ou même les disparités, voire les déficits infrastructurels. Les corridors rou­tiers au sein de la Cemac sont, en effet, très en re­tard en comparaison à ceux existants au sein de la Cedeao par exemple. On y découvre souvent des tronçons non bitumés ou mal entretenus lorsqu’il y a du goudron.

Marché noir à Kye Ossi, Garoua ou Garoua Boulai

La présence des barrières tarifaires et non tarifaires en zone Cemac empêche donc une coopération économique et douanière totale et favorise le dé­veloppement du marché noir. Des points de contre­bandes sont ainsi connus de tous. On échange des denrées alimentaires hors douanes à Kye Ossi (dé­partement de la Vallée du Ntem, région du Sud), du pétrole non traité et des voitures parfois volées au port fluvial de Garoua (département de la Benoué, région du Nord), ou encore des pierres précieuses non déclarées à Garoua Boulai (département du Lom et Djerem, région de l’Est).

Le levier qu’est la douane comme facteur de dé­veloppement et d’intégration au sein de la zone Cemac est fortement sous-évalué du fait d’une absence de volonté politique des chefs d’Etat de la zone, quand on sait que mis à part le cas de la Répu­blique centrafricaine, ce sont souvent des familles identifiées qui dirigent ces pays depuis au moins 30 ans. On peut se demander comment elles n’arrivent pas à un point d’entente qui satisfasse chacune d’entre elles…

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Rédaction
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