(BFI) – A un mois jour pour jour de la COP 27 à Charm el-Cheikh en Egypte, les leaders africains s’activent pour porter la voix du continent qui accueille la grande messe du climat pour la cinquième fois. Akinwumi Adesina, président du groupe de la Banque africaine de développement (BAD) pense qu’étant en terre africaine, il va falloir donner la priorité à la région faible émettrice de carbone, mais grande victime des dérèglements climatiques, en s’attaquant au nerf de la guerre : le financement.
« Alors que nous allons à Charm el-Cheikh, mon message est le suivant : l’Afrique souffre de ce qu’elle n’a pas causé. Le monde développé, il y a longtemps, a promis 100 milliards de dollars par an pour soutenir le financement climatique des pays en développement. Ce que nous obtenons jusqu’à présent, c’est beaucoup de discussions et aucun financement. Il est temps de mettre les fonds à disposition, car l’Afrique souffre énormément de l’impact du changement climatique. C’est la COP de l’Afrique, alors réglons les problèmes de l’Afrique en mettant l’argent sur la table », a martelé le président du groupe de la Banque africaine de développement (BAD) Akinwumi Adesina aux Nations Unies dont il a activement participé à la récente assemblée générale à New York.
Pour un « plan » concret à Charm el-Cheikh
Le patron de la BAD amplifie ainsi aux multiples appels de leaders africains sur la nécessité de joindre la parole aux actes en matière de financement climatique en Afrique. Le sujet était encore au centre des échanges à la Pré-COP27 qui s’est achevée hier, mercredi 5 octobre à Kinshasa, en République démocratique du Congo (RDC), après trois jours de discussions. Précédemment, il y a eu les rencontres du Caire et de Dakar « Nous demandons aux pays développés parties de respecter leur engagement à au moins doubler le financement de l’adaptation d’ici 2025, par le biais d’un financement public basé sur des subventions, et de fournir un plan de mise en œuvre à Charm el-Cheikh cette année », indiquent les ministres et chefs de délégation des pays les moins avancés sur les changements climatiques dans leur déclaration commune publiée le 14 septembre à l’issue de la réunion de préparation à la COP 27. A Charm-el-Cheikh, les pays africains en l’occurrence s’attendent de la part des pays développés à « un plan de mise en œuvre » de financement.
Le plus faible émetteur de gaz à effet de serre (GES) au monde, environ 4%, le continent africain avec ses 54 pays cependant, subi de plein fouet les conséquences des dérèglements climatiques. Selon la BAD, ces retombées négatives génèrent des pertes chiffrées à 7 à 15 milliards de dollars. Ce qui pourrait atteindre les 50 milliards de dollars d’ici 2030, sans des actions d’urgence, sachant que les besoins de financement climatique du continent atteignent jusqu’à 1 600 milliards de dollars, selon l’institution multilatérale panafricaine.
Les pays développés s’étaient effectivement engagés à fournir 100 millions de dollars de financements climatiques aux pays en développement pour les aider à d’adapter aux changements climatiques et ainsi accélérer la machine de sauvetage de la planète. « L’Afrique n’a pas accès au financement dont elle a besoin pour s’adapter au changement climatique et répondre aux contributions déterminées au niveau national », alerte Akinwumi Adesina qui, face à cet enjeux, a doublé le financement climatique de la BAD à 25 milliards de dollars d’ici 2025, dont 67% dédié à l’adaptation.
Pour rappel, les contributions déterminées au niveau national sont les plans nationaux mis en place par les gouvernements et qui rassemblent les actions climatiques de chaque pays en guise de contribution à l’atteinte des objectifs mondiaux d’émission de GES tel qu’arrêtés dans le cadre de l’Accord de Paris.
Ces fonds climat qui échappent aux pays forestiers
Eve Bazaiba, vice-premier ministre de la RDC, a profité d’une tribune à la Pré-COP27 de Kinshasa pour interpeller quant à l’accès aux fonds climat pour les pays forestiers. « Alors que les forêts des pays des bassins du Congo notamment […], rendent des services incommensurables à l’humanité, comment expliquer toutes les conditionnalités qui sont imposées à nos Etats pour accéder à des fonds destinés à protéger des ressources dont nous sommes tous bénéficiaires », a-t-elle questionné, soulignant que « certaines de ces conditions, souvent belles sur papiers, opèrent sur le terrain comme des barrières à l’accès des pays les moins avancées aux fonds climat ».
Le pari peut-il être gagné d’avance ?
L’Egypte, pays hôte de la COP cette année, s’est engagé à porter le plaidoyer de l’Afrique en faveur d’un financement conséquent de l’adaptation d’un continent non-responsable de la catastrophe climatique mondiale. « A ce stade, une position doit être prise au niveau de la communauté internationale pour dire que chacun doit remplir ses obligations, telles qu’énoncées dans l’accord de Paris », déclarait récemment à l’AFP au Caire la ministre égyptienne de l’Environnement, Yasmine Fouad.
Il semble clair pour les pays africains que la COP 27 serait celle du « carte sur table ». Et alors que les dirigeants des pays industrialisés ont brillé par leur absence au sommet sur l’adaptation climatique début septembre à Rotterdam, aux Pays Bas où étaient pourtant conviés les Chefs d’Etat africains, reste donc à savoir si la réponse occidentale à Charm el-Cheikh sera, cette fois, théorique ou pratique.