(BFI) – Depuis octobre 2020, l’économiste camerounais est à la tête d’Afritac Centre. Une institution créée il y a 15 ans par le Fonds monétaire international (FMI) pour apporter une assistance technique et une aide au développement des capacités des acteurs institutionnels dans neuf pays d’Afrique centrale, dont le Cameroun. À l’occasion de sa première visite à Yaoundé depuis sa nomination, l’ancien représentant-résident du FMI en République démocratique du Congo et en Côte d’Ivoire éclaire sur la coopération, peu connu du grand public, entre Afritac Centre et le Cameroun.
Voici bientôt deux ans que vous êtes à la tête d’Afritac Centre. Très concrètement en quoi consiste votre travail au quotidien ?
Tout d’abord, merci pour l’occasion que vous m’offrez pour parler d’Afritac Centre qui fait partie d’un réseau de cinq centres de « développement des capacités » du Fonds monétaire international (FMI) en Afrique. Dance ce concept de développement des capacités, nous incluons l’assistance technique qui consiste à aider les cadres à améliorer la compréhension et l’exécution des tâches qui leur incombent, le renforcement des capacités qui concerne l’apprentissage de nouveaux outils, instruments et méthodes de travail et enfin la formation qui est plutôt d’un caractère plus général tout en ciblant le domaine concerné.
Le Centre couvre neuf pays comprenant les six de la Cemac plus le Burundi, la RDC et Sao Tomé et Principe. Nous avons neuf experts résidents couvrant les domaines suivants : l’administration fiscale ; l’administration douanière ; l’analyse macro-budgétaire ; la préparation et l’exécution du budget ; la gestion de la trésorerie de l’État et la comptabilité publique ; la gestion de la dette publique ; les statistiques des finances publiques ; les statistiques des comptes nationaux et la supervision et la règlementation bancaires.
Nos experts entreprennent des missions dans les pays membres pour délivrer l’assistance demandée par les autorités de ces pays. En tant que directeur du centre, je prépare le programme de travail du centre, coordonne ses activités, dirige l’institution et ses employés et organise les réunions statutaires, contribue à lever les fonds pour les activités du centre et représente officiellement ce dernier.
Avez-vous des exemples concrets de l’impact de votre action au Cameroun sur vos principaux domaines d’intervention (administration fiscale et douanière, gestion des finances publiques, statistiques macroéconomiques, gestion de la dette publique…) ?
Il y en a plusieurs. J’en citerai deux récents. Afritac Centre a fourni son assistance technique au Cameroun (Caisse autonome d’amortissement) pour restructurer son eurobond. Ce qui a abouti à une réduction significative des remboursements dus pour cette dette. Nous avons également soutenu techniquement le Cameroun à formaliser l’inclusion du genre dans le budget de l’Etat. Ce qui a débouché sur la préparation pour la première fois d’une annexe budgétaire désormais institutionnalisée sur l’inclusion du genre dans le budget du Cameroun.
Aujourd’hui quels sont les grands défis et enjeux en matière d’assistance technique et de renforcement capacités institutionnelles, techniques et humaines dans la région et au Cameroun en particulier ?
Il y en a pas mal. Je voudrais en citer au moins deux. D’abord la question de la mobilisation des recettes. Comment faire en sorte d’augmenter les recettes de l’État sans augmenter la pression fiscale sur l’économie formelle au point des fois de menacer son existence ou de décourager durablement la transition de l’informel au formel. Il y a aussi la question du financement de l’État dans un environnement international défavorable caractérisé par l’inflation galopante, la remontée des taux d’intérêt dans les pays avancés et une propension déclinante à financer l’aide au développement.
Vous êtes au Cameroun depuis quelques jours. Vous avez déjà rencontré beaucoup de hauts responsables de l’administration camerounaise. Qu’est-ce que vous vous êtes dit ?
Je leur ai présenté les services qu’offre Afritac Centre en matière de développement des capacités, notamment comment nous pouvons les accompagner dans la mise en œuvre des réformes structurelles inclues dans le programme que le Cameroun a conclu avec le FMI. J’ai également eu l’occasion de recueillir leurs demandes en matière d’assistance technique, de renforcement des capacités et de formation, toutes choses qui seront reflétées dans le programme de travail du Centre pour cette année et pour la nouvelle phase d’activités qui couvre la période 2023-2027.
Parmi les personnalités rencontrées, il y a le directeur général actuel des impôts qui fut un conseiller en administration fiscale à Afritac Ouest. Diriez-vous que son action à la tête de la direction générale des impôts rend hommage à Afritac ?
Il ne m’appartient pas de juger de son action. Nous avons eu une excellente entrevue portant sur les questions pour lesquelles Afritac Centre apporte son expertise à la direction générale des impôts.
Afritac prépare en ce moment son prochain cycle d’intervention. Qu’attendez-vous des États à ce sujet ?
En fait, nous souhaitons travailler en étroite collaboration avec nos États membres. Ils expriment leurs besoins en développement des capacités et nous essayons dans la mesure du possible de prendre en compte ces besoins dans le programme de travail que nous déroulons sur cinq ans. En effet, la plupart des activités de développement des capacités requièrent un travail constant sur plusieurs années avant d’avoir des avancées significatives et irréversibles.
Du fait des crises sécuritaires, le Cameroun a intégré la liste des pays fragiles. Quel changement cela induit-il dans l’assistance que vous lui apportez ?
Le FMI vient d’adopter une nouvelle stratégie de soutien aux pays dits « fragiles et affectés par les conflits » (FCS en anglais). En matière de développement des capacités, cette stratégie requiert d’allouer plus de ressources en faveur de ces pays, ce qui contribuerait à les sortir de la fragilité. Dans ce cadre, le FMI a alloué à Afritac Centre deux nouveaux postes d’expert. Un en matière d’administration douanière qui est déjà en activité et un autre en matière de modélisation macroéconomique que nous espérons accueillir en 2023. Ceci nous permettra d’allouer plus de ressources en termes d’expertise à nos pays dits FCS dont le Cameroun.
Afritac conduit en ce moment au Cameroun une mission d’assistance technique dans le domaine de la gestion des risques budgétaires. Et la subvention au carburant est un risque budgétaire qui fait actuellement débat. Une problématique que vous maitrisez bien pour avoir participé à plusieurs réflexions sur la question au niveau du FMI. Quels types d’appui pouvez-vous apporter aux autorités qui sont préoccupées à réduire ce risque budgétaire tout en évitant de créer des tensions sociales ?
C’est évidemment une question délicate. Comme vous le dites, j’ai en effet participé à plusieurs réflexions et analyses sur cette question et conseillé plusieurs gouvernements africains durant ma longue carrière au sein du FMI. Mais Afritac Centre ne joue pas un rôle direct de conseil aux autorités sur cette question d’actualité. C’est le rôle de l’équipe-pays en charge du Cameroun au sein du FMI. Je n’ai donc pas à donner mon point de vue publiquement sur cette question.