(BFI) – La dernière décennie a vu éclore de nombreux projets solaires en Afrique et le marché a fait preuve de résilience face à l’épidémie de Covid-19. Toutefois, des progrès significatifs sont encore nécessaires pour atteindre un niveau d’électrification suffisant.
Selon un rapport de PwC, paru en 2021, seulement 58 % des Africains ont accès à l’électricité. Pour répondre aux besoins du continent, l’Afrique devrait doubler sa capacité de production d’ici 2030 et la multiplier par cinq d’ici 2050.
Dans le cadre de la transition énergétique, ce développement devrait principalement porter sur les énergies renouvelables avec une multiplication attendue par 110 de l’énergie solaire d’ici 2050, grâce, notamment, à un taux d’ensoleillement annuel très élevé. En 2022, les projets solaires continuent d’émerger au Bénin, au Burkina Faso, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, au Mali, au Sénégal, au Tchad ou encore en Afrique du Nord.
Cependant, cette ressource reste encore sous exploitée. La majorité des projets solaires excède rarement 50 MW, ce qui est insuffisant pour couvrir les besoins en énergie des grandes agglomérations.
Le développement d’infrastructures nationales de production à grande échelle est l’une des réponses possibles mais cela nécessite de renforcer le réseau de distribution ; les capacités de réserve des réseaux existants étant souvent inadaptées.
De même, une approche régionale ou sous-régionale permettrait aux États de se doter d’infrastructures communes de plus grande ampleur.
Telle est l’aspiration du Système d’échanges d’énergie électrique ouest-africain (EEEOA) qui regroupe certains états d’Afrique de l’Ouest afin d’intégrer les réseaux électriques nationaux dans un marché régional unifié de l’électricité. Ainsi, le projet de dorsale Nord, inauguré en février 2022, reliera plusieurs postes électriques au Nigeria, Burkina Faso, Niger et Bénin, pour une longueur totale de raccordement de 875 km. D’autres initiatives sont actuellement à l’étude, telle que l’interconnexion électrique entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso.
Pour méritoire qu’elle soit, cette approche transfrontalière se heurte cependant à la diversité des 54 trajectoires africaines et aux logiques intrinsèques qui portent leur singularité. Un travail de coordination et de simplification est donc essentiel pour qu’un déploiement de l’énergie solaire puisse véritablement aboutir. Cela passerait entre autres par une harmonisation des politiques publiques, des réglementations et des cadres contractuels entre les pays tant l’hétérogénéité est ici un frein aux ambitions unificatrices.
Le perfectionnement de la réglementation applicable au secteur de l’énergie (comme au Bénin, au Sénégal ou au Tchad) et la présence d’un droit commun moderne au sein des 17 pays de l’espace Ohada (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) sont assurément un gage de sécurité juridique mais des efforts restent à faire.
En ce sens, l’initiative franco-indienne « Alliance solaire internationale », lancée lors de la conférence de Paris pour le climat, porte un projet pilote au Togo, Mali, Bénin, Burkina Faso, Niger et Gabon, lequel vise à définir des dispositions règlementaires et contractuelles communes pour les projets solaires.
Corrélativement, la standardisation de la documentation contractuelle sur plusieurs zones géographiques – tel que le programme Scaling Solar porté par la Banque mondiale – contribuerait à une meilleure célérité tout en réduisant les coûts de développement. Cette diminution des frais d’audit et de négociation de la documentation contractuelle peut faciliter in fine la vente de l’électricité à des prix plus soutenables économiquement et socialement et donc limiter le risque de défaut de l’acheteur – souvent une compagnie nationale d’électricité. Reste que son acceptation par l’ensemble des acteurs (acheteurs, Etats, bailleurs de fonds, développeurs, etc.) n’est pas encore acquise.
L’intérêt des investisseurs ne manque pas. Des sociétés françaises telles qu’EDF, Engie, Eranove, Meridiam, STOA et Total, ainsi que des acteurs étrangers comme Acwa Power, Africa50, InfraCo Africa, l’IFC ou encore Scatec ASA participent activement à ce développement en Afrique.
Les banques multilatérales et les membres de l’IDFC sont également très présents sur ce marché. La plupart d’entre eux se sont engagés à ce que leurs activités s’accordent avec les objectifs de l’Accord de Paris. L’impact social et environnemental des projets financés est effectivement pris en compte et valorisé.
La question se pose toutefois de savoir si les besoins en énergie du continent noir pourront être financés par ces seuls acteurs. A cet égard, les obligations d’infrastructure et la titrisation de créances sont une voie intéressante pour offrir un financement complémentaire au soutien des grands projets.
La Banque Africaine de Développement a constaté en mars 2021 que le taux d’accès à l’électricité en Afrique est passé de 42% en 2015 à 54% en 2019. L’ambition est grande, et le continent africain se donne les moyens de l’atteindre.
Par Hugues Martin-Sisteron, Avocat chez Clifford Chance LLP, docteur en droit privé, spécialiste en financement de projet d’énergies renouvelables en Afrique.