(BFI) – Le Cameroun compte une population d’environ 25 millions d’habitants. La Côte d’Ivoire, près de 27 millions. Le taux de pénétration du mobile est de 90% au Cameroun, contre 162% pour la Côte d’Ivoire, selon le régulateur ivoirien qui dénombre 44 millions d’abonnés au mobile à fin 2021, soit pratiquement le double du Cameroun. « Pourquoi ? » s’est demandé Investir au Cameroun.
Selon la Société financière internationale (SFI), le marché des télécoms au Cameroun serait beaucoup moins dynamique que celui de la Côte d’Ivoire, pays d’Afrique de l’Ouest de niveau comparable. « Les performances actuelles du marché en Afrique montrent que la Côte d’Ivoire, qui présente de fortes similitudes en termes de démographie, d’économie et de topographie, a généré près de 2 milliards de dollars (plus de 1000 milliards de FCFA) de revenus des télécommunications en 2020, soit près du double des performances (…) du Cameroun », révèle la filiale de la Banque mondiale dédiée au financement du secteur privé.
Cette avance de la Côte d’Ivoire dans le secteur des télécoms, apprend-on, tient de ce que les opérateurs en activité dans ce pays ont bénéficié d’un environnement plus propice au développement du secteur, mis en place par les autorités publiques. « Il convient (…) de noter que les deux pays ont signalé à peu près les mêmes performances en matière de PIB d’une année à l’autre pendant plus de 30 ans jusqu’en 2014, date à laquelle le pays d’Afrique de l’Ouest a commencé à tirer les avantages d’importantes réformes du secteur privé et des infrastructures », fait observer la SFI.
Sous-déclaration des revenus ?
Mais d’autres experts soupçonnent aussi une sous-déclaration de revenus de la part des opérateurs en activité au Cameroun. « La contribution des télécommunications au PIB du Cameroun est inférieure à 3% depuis au moins 2007, contre 7% au Mali et 10% en Côte d’Ivoire (…). Pourtant l’ARPU (le budget moyen mensuel consacré à la téléphonie par un abonné, NDLR) est sensiblement le même d’un pays à l’autre ; les opérateurs de téléphonie dans ces pays sont des filiales des mêmes multinationales… », fait, par exemple, remarquer Alex-Ariel Tchetgnia, le vice-président de N-Soft, l’une des entreprises qui proposent des solutions technologiques innovantes aux États africains pour maximiser leurs recettes fiscales, notamment dans le secteur des télécoms.
Quoi qu’il en soit, le Cameroun dispose donc encore d’importantes marges de progression. « Compte tenu de la position régionale du Cameroun, une progression significative (…) des revenus générés par le secteur du numérique n’est pas invraisemblable, et pourrait placer le pays dans une nouvelle ère de développement numérique, dont bénéficieraient tous les acteurs du secteur », analyse la filiale de la Banque mondiale.
Démocratisation de la fibre optique
Pour ce faire, estime la SFI, il faudra actionner des leviers tels que la fibre optique, qui est encore un luxe dans le pays, malgré les efforts consentis ces dernières années par les pouvoirs publics et les opérateurs des télécoms pour le déploiement de cette infrastructure névralgique (linéaire actuel d’environ 20 000 km, NDLR).
En effet, selon les données de la SFI, au Cameroun, « le fibre gap par division administrative », qui renvoie aux zones dans lesquelles la fibre optique n’est pas encore déployée ou alors n’est pas encore utilisée, « touche 14 millions de Camerounais » en 2020, soit plus de la moitié de la population du pays. Pour rappel, le Cameroun compte une population d’environ 25 millions d’habitants (près de 27 millions pour la Côte d’Ivoire), pour un taux de pénétration du mobile de 90% (contre 162% pour la Côte d’Ivoire, selon le régulateur local qui dénombre 44 millions d’abonnés au mobile à fin 2021, soit pratiquement le double du Cameroun, NDLR).
Amélioration de la transparence
Conséquence directe de ce « fibre gap » au Cameroun, indique la SFI, « malgré une couverture haut débit mobile (3G, 3.5G et 4G), seuls 23% des ménages à l’échelle nationale disposaient d’un abonnement Internet (mobile ou fixe) en 2019 (contre plus de 65% en Côte d’Ivoire en 2021, selon le ministère de l’Économie numérique, NDLR), et ce pourcentage est beaucoup plus faible dans les zones rurales, en particulier dans les régions du Centre, du Nord-Ouest et de l’Adamaoua ».
Chez N-Soft, on pense plutôt que « la transparence est la clef » pour que les revenus générés par le marché camerounais soient réellement connus. « Les opérateurs de téléphonie mobile (…) produisent des millions d’actes de facturation par jour (à chaque appel, à chaque SMS, à chaque connexion Internet, etc.). Le volume d’actes de facturation est si important qu’il ne saurait être analysé par une personne physique ou même morale. Un auditeur comptable est totalement incompétent dans le cas d’espèce. Ce qu’il faut à la place, ce sont des robots informatiques, capables d’absorber et traiter automatiquement les métadonnées sur les actes de facturations produits par ces opérateurs pour déduire leurs chiffres d’affaires », soutient Alex-Ariel Tchetgnia.