(BFI) – Laetitia NDJENG NYOP est une référence dans le microcosme hôtelier africain. De formation hôtelière, cette polyglotte (elle parle français, anglais, espagnol et allemand) a sillonné l’Afrique, à la faveur des missions d’expatriation de son père, avant de décrocher son diplôme dans une école hôtelière parisienne. Recrutée par le groupe Accor, elle y gravit les échelons et participe à l’ouverture finale en 2008, du premier Sofitel à Malabo en Guinée équatoriale. Une expérience enrichissante sur le plan personnel et professionnel. Elle atterrit ensuite à Lomé, où elle prend la direction générale d’un hôtel IBIS d’une centaine de chambres. Elle y fera de très bons résultats en termes de chiffres d’affaires.
Sa carrière en tant que salariée connaitra son épilogue en Suisse où Laetitia assurera la direction générale d’un établissement hôtelier de renom, avec pour objectif d’y mener d’importantes rénovations et d’y améliorer la satisfaction client. La mission accomplie, elle décide de créer sa propre entreprise dénommée Leed Hospitality.
Elle a bien voulu nous livrer son sentiment sur l’évolution du secteur hôtelier en Afrique ainsi que sa vision sur les conditions de la relance du secteur touristique dans le contexte actuel.
Tout d’abord, parlez-nous de Leed Hospitality, l’entreprise que vous avez créée, il y a quelques années et dont vous assurez la direction générale ?
Leed Hospitality est une société anonyme de conseil et de gestion hôtelière, créée en 2018 et qui possède aujourd’hui 3 bureaux. Le siège social est à Lomé au Togo. Nous avons un bureau en France à la frontière avec la Suisse et l’Allemagne et un bureau au Cameroun.
Leed Hospitality accompagne les promoteurs qui veulent investir dans l’hôtellerie. La plupart de nos clients sont des familles qui possèdent un bien immobilier et qui souhaitent le transformer en établissement hôtelier. Ce sont en général des projets d’hôtels boutiques avec une capacité moyenne de 50 à 100 chambres.
En tant qu’observatrice avisée de l’évolution du secteur hôtelier africain, quelle appréciation en avez-vous ?
L’Afrique est un continent assez vaste. Je vais plutôt me focaliser sur l’Afrique sub-saharienne, et plus précisément l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale où j’ai une certaine expérience.
Ces zones ont accusé un certain retard qui est peut-être dû à l’instabilité politique ou l’envol du prix du baril dans les années 2000.
Mais depuis ces dernières années l’offre en hôtellerie ne cesse de croître. Ceci est très positif et permet de redynamiser le secteur touristique.
Ne craignez-vous pas que la crise sanitaire porte un sérieux coup de frein à cette dynamique ?
En 2020, les hôtels ont perdu autour de 70% de leurs chiffres d’affaires. En 2021, la perte s’est amoindrie, on a observé des pertes de 15 à 20% et certains hôtels ont même enregistré de très bonnes performances en dépassant leur budget. Ce sont des signes très encourageants. Il faut également noter que dans les hôtels internationaux, 60 à 65% des clients sont des africains.
Ce pourcentage monte même à 80% dans les hôtels indépendants.
Pour 2022 je pense qu’on va atteindre les chiffres de 2019 sinon les dépasser légèrement. Les données sont plutôt positives et j’en profite pour encourager les promoteurs hôteliers à maintenir la qualité de service et les normes d’hygiène face au Covid-19.
A part quelques rares groupes comme Azalaï pour ne citer que celui-là, peu d’africains dans la zone francophone, se lancent dans l’investissement hôtelier de grand standing. Selon vous, qu’est ce qui explique cet état de fait ?
Je pense que cela est dû, en premier lieu, à la méconnaissance du métier. D’ailleurs le peu d’africains qui investit dans ce secteur ne sont pas, à la base des hôteliers. En général ils font fortune dans d’autres secteurs et après investissent dans l’hôtellerie. C’est le cas de Yerim SOW qui a fait fortune dans les Télécoms avant de créer le groupe Mangalis, ou encore Mossadeck BALLY qui a fait fortune dans le commerce avant de fonder le groupe Azalaï, au sein duquel je suis d’ailleurs Administrateur indépendant.
On a donc besoin dans ce secteur également de champions locaux, d’investisseurs africains qui se mettent ensemble pour bâtir des projets d’envergure.
Quels sont les grands défis auxquels le secteur hôtelier est confronté dans la zone évoquée en l’occurrence l’Afrique de l’Ouest et Centrale ?
Pour moi le premier grand défi du secteur hôtelier en Afrique reste la qualité des ressources humaines. Lorsque l’on veut recruter, on est obligé de débaucher. Les écoles hôtelières, quant elles existent n’offrent pas suffisamment de stages de haut niveau aux élèves afin de les préparer pour le marché du travail.
L’autre défi c’est la promotion du métier de l’hôtellerie et plus largement des destinations africaines. Cela est d’abord de la responsabilité des gouvernements qui doivent valoriser davantage les nombreux sites touristiques que regorge le continent.
Et la question du financement des projets hôteliers ? Les banques sont-elles enclines à accompagner facilement les promoteurs hôteliers ?
Pas vraiment car elles n’ont pas toujours les outils pour bien évaluer ce type de risque.
Il arrive que certaines banques nous approchent afin de les aider dans l’étude de certains projets hôteliers à financer.
Dernière question, ne pensez-vous pas qu’en Afrique, les architectes en charge des plans hôteliers devraient faire preuve d’un peu plus d’imagination et d’originalité ?
Il est vrai que dans l’hôtellerie africaine, très souvent les architectes et les entreprises de construction sont étrangers. Certainement parce qu’on n’arrive pas encore à avoir les compétences localement. Il faut toutefois noter que certains hôtels, comme ceux du groupe Azalaï, que je connais bien, fournissent beaucoup d’efforts pour affirmer une certaine authenticité, en mettant une touche africaine aussi bien au niveau architectural que dans les décorations intérieures. Je pense que ce sont des exemples à suivre car ils contribuent à valoriser le patrimoine culturel africain.