(BFI) – En 2015, lorsque le Financial Times classe Vera Songwe parmi les 25 Africains à suivre, l’économiste a 47 ans et n’est pas encore connue du grand public. Pourtant, en 2013 déjà, Forbes l’avait classée parmi les 20 femmes les plus influentes d’Afrique. Durant les 9 années suivantes, elle a occupé plusieurs postes au sein de la Banque Mondiale et est devenue la première femme à la tête de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA).
En tête d’affiche dans la gestion économique de la pandémie et les négociations sur l’allègement de la dette africaine, Vera Songwe est devenue une personnalité incontournable dans les débats sur le continent. Passée par la Banque mondiale, interlocutrice des dirigeants sur les questions économiques du continent et militante de la lutte contre la corruption, l’économiste camerounaise est plus que jamais présente aux tables de négociations, mais également dans les médias.
Cette exposition, qu’on peut qualifier de tardive pour un statut acquis depuis plusieurs années, vient confirmer les attentes suscitées par Vera Songwe.
Il était une fois à Bamenda…
Vera Songwe a très tôt côtoyé les responsabilités inhérentes à la gestion d’institutions de premier plan. En effet, pendant qu’elle grandit à Bamenda, dans le nord-ouest du Cameroun, son père, Joachim Songwe, dirige l’Office national de développement de l’aviculture et du petit bétail. Son oncle, Christian Songwe Bongwa, a, quant à lui, été ministre des Relations avec le Parlement dans les années 1980. Dans cet environnement, la jeune Vera Songwe développe très rapidement de grandes ambitions et un fort caractère. Après ses études secondaires au Our Lady of Lourdes College Mankon de Bamenda, elle part pour les Etats-Unis. Elle y obtient une licence en sciences économiques et politiques à l’Université du Michigan aux Etats-Unis. Par la suite, elle obtiendra un diplôme d’études approfondies en droit et sciences économiques. Elle complète ces diplômes par un doctorat en économie mathématique à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve en Belgique. Vera Songwe repart ensuite aux Etats-Unis où elle obtiendra un poste de professeur invité à l’université de Californie du Sud. Elle le cumule avec un emploi à la Banque de réserve fédérale de Minneapolis.
Entrée dans le circuit de la Banque Mondiale
En 1998, l’économiste camerounaise intègre la Banque mondiale comme jeune cadre. Elle travaille au sein de l’unité de réduction de la pauvreté et de gestion économique (PREM), couvrant le Maroc et la Tunisie. Au cours des années suivantes, elle occupe plusieurs postes dans l’unité PREM pour la région Asie de l’Est et Pacifique.
Son travail attire l’attention de nombreux cadres de la Banque Mondiale, dont Ngozi Okonjo-Iweala, actuelle directrice de l’OMC. La Nigériane introduira même son amie camerounaise auprès du think tank américain Brookings Institution.
En 2010, Songwe fait partie de l’équipe du Groupe de la Banque mondiale qui lève un montant de 49,3 milliards de dollars de financement concessionnel pour les pays à faible revenu, dans le cadre de la 16e reconstitution des ressources de l’Association internationale de développement. Entre 2011 et 2015, Vera Songwe est directrice des opérations de la Banque Mondiale pour le Sénégal, le Cap-Vert, la Gambie, la Guinée-Bissau et la Mauritanie.
Une responsabilité de plus en plus importante
Le nom de Vera Songwe commence à circuler dans les cercles de décision des grandes politiques économiques liées au continent. Dans le même temps, les médias remarquent de plus en plus l’économiste camerounaise. En 2013, Forbes la classe parmi les « 20 jeunes femmes de pouvoir en Afrique ». L’année suivante, l’Institut Choiseul la cite parmi les « Leaders africains de demain ». En 2015, le Financial Times classe Vera Songwe parmi les 25 Africains à suivre.
En 2016, lorsqu’elle prend la direction du bureau Afrique de l’Ouest et Afrique centrale de la Société financière internationale (SFI), elle affiche sa grande connaissance des économies de la région dans la gestion des dossiers qui lui sont confiés. Elle est si efficace qu’en avril 2017, Antonio Guterres, le secrétaire général de l’ONU, la choisit parmi 77 candidats pour diriger la Commission économique pour l’Afrique (CEA). Elle devient la première femme à diriger l’institution de l’ONU dont la mission est de promouvoir la coopération économique entre les nations africaines. Un poste qui lui confère un rang de secrétaire général adjoint des Nations unies.
Engagée dans la lutte contre la corruption
Dans le cadre de son travail à la tête de la CEA, Vera Songwe devient, comme son amie Ngozi Okonjo-Iweala, une figure de la lutte contre la corruption en Afrique. En janvier 2018, lors du 30e sommet de l’Union africaine à Addis Abeba, elle affiche devant les dirigeants africains son combat contre ce qu’elle décrit comme un cancer pour l’économie africaine.
« Vaincre la corruption est une voie durable vers la transformation de l’Afrique. La corruption, selon les mots de l’ancien Vice-Président des États-Unis, Joe Biden, est un cancer : un cancer qui ronge la foi d’un citoyen dans la démocratie, diminue l’instinct d’innovation et de créativité et des budgets nationaux déjà serrés, évinçant d’importants investissements nationaux. Il gaspille le talent de générations entières. Il fait fuir les investissements et les emplois », déclare-t-elle lors de son allocution en ouverture de la rencontre. « S’il n’y avait pas la corruption, le PIB de l’Afrique serait plus élevé de 25% », renchérit Vera Songwe en interview. Ce combat, la Camerounaise continue de le mener, même s’il est un peu éclipsé depuis 2019 par la pandémie et les questions liées à la dette africaine. En effet, en plus de plaider pour un plus grand accès à la vaccination en Afrique, elle est aussi très active ces derniers mois dans les négociations sur l’allègement de la dette africaine. Le 11 mai 2020, elle a coorganisé, avec l’Institut de la finance internationale, la première rencontre entre l’Afrique et ses créanciers privés. Alors que la pandémie continue d’affaiblir les économies africaines, ses prises de position et ses décisions peuvent se révéler déterminantes pour l’avenir du continent.
In Ecofin