(BFI) – Les monnaies digitales sont un levier qui, selon Anouar Hassoune, directeur général de l’agence WARA, n’est pas suffisamment exploré. Exploitées au niveau global en Afrique, elles pourraient être un socle de financement pour son développement, selon celui-ci.
Anouar Hassoune (photo), directeur général et actionnaire de la West African Rating Agency (WARA), une agence de notation basée à Dakar et majoritairement contrôlée par le sud-africain Global Credit Ratings, a suggéré qu’une des alternatives pour pallier la difficulté pour l’Afrique de mobiliser des ressources et financer son développement et son économie se trouve dans l’adoption de la blockchain et de la cryptomonnaie.
« Je pense qu’il est grand temps d’embrasser le 21e et le 22e siècle […] de créer une cryptomonnaie africaine qui serait acceptée dans chacun des Etats membres comme une devise alternative. Le Salvador l’a fait. Je ne vois pas pourquoi on ne le ferait pas. Cette cryptomonnaie devrait être adossée à des actifs dont nous disposons, c’est-à-dire nos ressources naturelles.», a fait savoir M. Hassoune, intervenant sur l’un des panels de la Conférence économique africaine organisée par la Banque africaine de développement (BAD), la Commission économique africaine (CEA) et le PNUD, et qui se déroule actuellement à Sal, au Cap-Vert.
Cette proposition est faite, alors que plusieurs éléments susceptibles de la soutenir se mettent en place en Afrique. Le Nigeria a récemment pris les devants, et ambitionne de faire circuler sa monnaie digitale de banque centrale récemment créée sur un marché qui compte un peu plus de 200 millions d’habitants. Des pays comme le Ghana n’excluent pas d’emprunter la même voie, et la forte digitalisation des moyens de paiement en Afrique de l’Est constitue une opportunité effective.
La Banque africaine d’import-export et le secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine ont annoncé le 28 septembre dernier, le lancement opérationnel du Système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS). Cette infrastructure de marché financier a pour but de permettre aux pays membres de la région d’effectuer des paiements transfrontaliers instantanés en devises locales. Mais un élément essentiel qui manque à cette architecture est un système de réserve des valeurs qui servira de référence.
L’analyse d’Anouar Hassoune part du principe qu’actuellement, peu de systèmes de financement peuvent financer les objectifs de développement de l’Afrique. La BAD a invité à accroître les volumes de recettes fiscales mobilisées. Mais aucune étude n’a encore donné les niveaux de ressources qu’on pourrait avoir dans le cadre des fonctionnements optimaux des systèmes fiscaux en Afrique.
Aussi, les banques actives en Afrique, soit disposent de peu d’épargne de longue durée pour prêter à l’économie, soit n’ont pas de fonds propres adéquats pour couvrir un certain volume de création monétaire sur le long terme. Enfin, malgré de grandes annonces, la communauté internationale des bailleurs et des investisseurs ne finance pas suffisamment l’Afrique. Avec un stock qui ne valait que 760 milliards $ fin 2020, la dette de l’Afrique subsaharienne hors Afrique du Sud est jugée insoutenable. Celle des Etats-Unis qui est proche de 28 300 milliards $ inquiète pourtant moins, malgré son risque systémique élevé.
La création monétaire en Afrique est restée encore dans les rangs de l’orthodoxie macroéconomique et la cryptomonnaie lui donne une opportunité d’en sortir, et la Blockchain une mesure de sauvegarde. Une part importante des richesses africaines se trouve aujourd’hui non quantifiée et non valorisée par le marché, contrairement aux économies développées où les banques peuvent trouver un effet de levier sur le poids des actifs financiers.
Des éléments comme la valeur de dioxyde de carbone capturé ne sont pas comptabilisés, de même que la valeur des eaux douces, des terres arables et l’ensemble du potentiel de sous-sol du continent. Des centaines de millions de personnes vivent ainsi sur de potentielles richesses, mais demeurent pauvres sur le plan monétaire parce qu’elles n’ont pas le capital pour transformer ce potentiel en opportunités.
In EcoFin