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Croissance africaine : les investisseurs retrouvent la confiance

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(BFI) – La récession de 2020, les incertitudes autour de la relance et les aléas de la vaccination ne découragent pas les investisseurs. Bien au contraire. (ETUDE)

Plus d’un an après avoir connu sa première récession économique en vingt-cinq ans, le continent africain serait-il en train de faire mentir les pronostics qui lui prédisaient un grand bond arrière sur le plan du développement ? Les investisseurs internationaux présents sur le continent n’ont aucun doute. C’est en tout cas ce que laissent penser les conclusions du baromètre annuel de Havas Horizon qui étudie la perception et les intentions des investisseurs à propos du continent. Près de 85 % des sondés dans sa dernière étude se déclarent optimistes pour la croissance en Afrique. Un chiffre, certes, significatif, mais en baisse par rapport à 2015 et 2018. Les auteurs l’expliquent par le passage de l’« afro-optmisme » à l’« afro-réalisme ».

Un optimisme qui s’explique de plusieurs manières

Pour Paul-Harry Aithnard, directeur général Ecobank Côte d’Ivoire et répondant du panel constitué de près d’une centaine des plus grandes institutions financières et bancaires opérant en Afrique, cet optimisme trouve plusieurs sources « notamment structurelles avec la croissance démographique et la jeunesse de la population », observe-t-il. Mais aussi conjoncturels, « avec un nouveau cycle enclenché au niveau des matières premières et de la technologie. » Son analyse résume assez bien l’état d’esprit des sondés, qui estiment pour beaucoup que les perspectives africaines sont riches en promesses pour la décennie à venir, et même bien meilleures que la situation actuelle.

Le continent africain était devenu, depuis une vingtaine d’années, un nouvel eldorado pour les investisseurs étrangers grâce aux nombreuses possibilités offertes et à sa forte croissance. Sauf que ces dernières années, cet engouement avait baissé et en intensité et en chiffres. Le signal le plus fort est survenu après la fuite de capitaux étrangers observés au début de l’année 2020. Cela faisait suite aux décisions d’un certain nombre d’institutions financières de réorienter leurs investissements vers des marchés plus matures, et perçus comme moins risqués. Il faut souligner que la majorité des fonds étrangers évoqués étaient jusqu’alors mobilisés pour le développement de projets en Afrique. Pour les investisseurs qui se sont détournés du continent à cette période, l’Afrique ne répondait plus à leurs attentes en termes de rentabilité, comparativement au temps investi, aux risques et aux coûts engendrés.

La Zlecaf en pole position

Et maintenant ? La réalité complexe des marchés africains, accentuée par les incertitudes de la pandémie mondiale, ne décourage pas pour autant les investisseurs. Bien au contraire. La nouvelle principale raison d’investir en Afrique à l’horizon 2030 est le développement de la zone de libre-échange continentale africaine (46,5 %), souligne cette cinquième étude de Havas horizon menée avec la Commission économique pour l’Afrique des Nations unies (CEA), basée à Addis-Abeba. Cet espace économique déjà sur les rails doit, à terme, réunir l’ensemble des pays africains au sein d’un marché unique de 1,2 milliard de personnes pour un produit intérieur brut de 2 500 milliards de dollars.

En attendant, les résultats probants de la Zlecaf, l’émergence d’une classe moyenne, la volonté de se positionner sur des marchés d’avenir restent, comme en 2015 et 2018, des éléments importants dans la prise de décision des investisseurs. Ces derniers perçoivent le Rwanda, le Nigéria et l’Ethiopie comme les économies les plus prometteuses du continent à horizon 2030. À en croire les sondés, une grande part de ces atouts se concentrent dans une région en particulier : l’Afrique de l’Est. Suivi de l’Afrique de l’Ouest (79,2 %) et de l’Afrique du Nord (77,8 %). L’Afrique centrale demeure comme dans les précédentes éditions la région la moins attractive (58,3 %). Mais le principal changement notable avec l’étude 2018, c’est le recul de l’Afrique de l’Ouest qui passe à la deuxième position.

Le Rwanda, nouveau pôle d’attractivité

Ces résultats illustrent les disparités du continent et de ses économies nationales. Cependant, d’après l’étude « les économies locomotives semblent être moins clairement identifiées en 2020, comparativement aux réponses obtenues en 2015 ». Le Rwanda s’est positionné en tête du classement avec 48,6 % des mentions, alors qu’il ne se plaçait qu’à la 12e place dans l’édition de 2015. Cela s’explique par « la croissance continue et soutenue du pays ces dernières années, comme son émergence en tant que modèle de gouvernance et de transformation en font une économie attractive ». Il est suivi par le Nigéria, l’Ethiopie dont l’économie bénéficie de secteurs dynamiques comme ceux de l’industrie, des infrastructures, des services, et de l’agriculture. Quant à son potentiel, il s’appuie clairement sur la force de sa population, la deuxième plus importante du continent. En quatrième position, on retrouve le Ghana, très apprécié pour la stabilité de son système de gouvernance. Le Maroc et l’Afrique du Sud se placent ex aequo sur la cinquième marche. Leurs économies solides et résilientes ont résisté aux effets de la pandémie.

De nombreux défis autour de la perception sur l’Afrique

Pour autant, cet optimisme ne doit pas détourner de l’avenir et occulter les défis que l’épidémie de Covid pose à l’Afrique. « Il faut régler de manière plus profonde la question du financement de la croissance en Afrique », juge Hassanein Hiridjee, à la tête d’Axian Group, un groupe panafricain qui opère dans plusieurs secteurs dont l’immobilier. « Il faut accélérer les investissements dans les infrastructures numériques, de transport, d’éducation… car elles sont cruciales pour faire émerger une classe moyenne et répondre aux enjeux de développement des générations futures », souligne-t-il. « On ne peut pas nourrir ces investissements avec le seul recours à la dette, lance-t-il en guise d’avertissement. Il est également vital de mettre en place des gouvernances plus exemplaires, tant au niveau des États que des entreprises privées, à travers la professionnalisation d’un certain nombre de compétences. Enfin, il faut changer le regard des investisseurs internationaux sur le continent et sortir d’images héritées de la période coloniale en adoptant une réelle approche partenariale. »

L’instabilité politique persiste

Si l’Afrique a été relativement préservée de la pandémie, par la jeunesse de sa population et la résilience acquise avec d’autres épidémies, sur le plan économique, il en va autrement. En l’absence de tout amortisseur social, des millions de personnes ont basculé dans la grande pauvreté. Et à l’heure de la reprise mondiale, l’Afrique semble loin d’être bien positionnée. Au-delà du choc conjoncturel, l’épidémie de Covid a joué un rôle de révélateur des faiblesses du continent, qui peuvent remettre en cause son décollage. Comme dans les précédentes éditions, les inquiétudes quant à l’instabilité politique et sécuritaire comme aux problématiques de gouvernance demeurent. Les récents événements dans de nombreuses régions – poussée djihadiste au Mozambique, coups d’État en Afrique de l’Ouest, conflits en Éthiopie, etc. – renforceront ce sentiment de difficultés chroniques en la matière. « Pour près de 89,6 % des sondés, la mauvaise gouvernance, l’instabilité politique et l’insécurité (57,5 %), la faible qualification de la main-d’œuvre (54,4 %) demeurent des freins à l’investissement. »

Qu’est-ce qui est fait concrètement pour contrer toutes ces pesanteurs ? Si les enjeux de gouvernance semblent être un défi important à relever pour les années à venir, la question du changement de paradigme dans les relations que les acteurs publics ou privés africains entretiennent avec leurs homologues internationaux est clairement posée par les sondés. Sur le terrain, de plus en plus d’économies africaines s’attellent à développer des filières de transformation pour capter une plus grande partie de la valeur ajoutée du cycle de production.

L’innovation, les infrastructures et l’agriculture : des secteurs porteurs

La croissance du PIB, projetée à 3,4 % en 2021 après une contraction estimée à 2,1 % en 2020 selon la Banque africaine de développement (BAD), ne découle pas seulement de la reprise mondiale et du redressement des matières premières. La dynamique s’appuie aussi sur des atouts spécifiquement africains. En raison du contexte démographique, l’Afrique représente un marché attractif pour les nouvelles technologies. « Nous sommes à la croisée de deux révolutions et cela ne peut que nous rendre optimistes pour l’avenir : une révolution technologique, qui est réelle et permet un leapfrog considérable dans tous les secteurs grâce au numérique, et une révolution mentale, portée par les nouvelles générations pour qui tout est possible, car plus facile que pour les générations précédentes, et qui osent entreprendre », détaille, Mustapha Mokass, cofondateur d’Atlas Partners. Malgré la crise sanitaire, les quelques 397 start up africaines ont levé 701,5 millions de dollars en 2020, soit une hausse de 42,7 % par rapport à l’année précédente selon la plateforme Disrupt Africa.

Pour autant, les secteurs les plus prometteurs à horizon 2030 ont fortement évolué depuis 2015. Les favoris sont désormais les infrastructures (62,6 %), l’agriculture (60,6 %) et les TIC (49 %), à l’image des besoins du continent en matière de développement face aux enjeux démographique, alimentaire et technologique. À condition de relever le défi de l’amélioration de la qualité des infrastructures, arrivé en tête de liste des préoccupations des sondés de l’étude de Havas et de la CEA.

Rédaction
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