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Serge Ekué : « La BOAD de demain est en construction »

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(BFI) – C’est une Banque ouest-africaine de développement (BOAD) régénérée que Serge Ekué entend mettre en œuvre à travers de nouveaux plans. Explications.

Depuis 245 jours qu’il est président de la BOAD, Serge Ekué n’a visiblement pas chômé. Des réformes au sein de l’institution ont été engagées et un plan stratégique « Djoliba », pour 2021-2025, a été adopté. Le volume des financements devrait atteindre environ 3 300 milliards de francs CFA (5,03 milliards d’euros). Djoliba, c’est aussi le nom du fleuve Niger en mandingue, de quoi illustrer le nouvel esprit qu’il entend insuffler à cette vieille dame du secteur financier africain qu’est la Banque ouest-africaine de développement. L’institution, instrument de l’Union économique et monétaire pour l’Afrique de l’Ouest (Uemoa)*, a pour vocation de soutenir le développement de la sous-région. Et elle a pour ambition de devenir l’institution de référence sur l’impact durable, l’intégration et la transformation de l’Afrique de l’Ouest. Pour cela, Serge Ekué propose de s’appuyer sur trois axes : renforcer les fonds propres afin d’accroître les capacités d’action et le nombre de projets soutenus, assurer une gestion plus performante des ressources financières grâce notamment à l’ingénierie financière, enfin devenir une banque « expert » dédiée au financement des projets à impact pour la population.

La stratégie pour augmenter les fonds propres

Serge Ekué a pour volonté de doubler les fonds propres, soit une augmentation de 838 milliards FCFA (1,5 milliard de dollars). Des négociations sont actuellement entamées avec les actionnaires et en premier lieu avec la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), actionnaire de référence et les huit États membres, chacun ayant les mêmes parts. Ces actionnaires de catégorie A détiennent 94 % des capitaux. « Les États de l’Umeoa sont aussi nos clients », précise Serge Ekué.

Les institutions financières internationales, comme la Banque européenne d’investissement, le fonds allemand KfW, les États comme la Belgique, la France, la Chine, le Maroc, l’Inde et d’autres, entrent dans la catégorie B de l’actionnariat. « Ces actionnaires de catégorie B sont mieux notés que nous et obtiennent des financements plus facilement et à un moindre coût sur les marchés financiers », observe-t-il. « Nous envisageons de doubler le capital de la Banque à travers la structuration d’une opération d’augmentation de capital dans laquelle les États membres et la BCEAO demeureront les actionnaires de référence, mais avec une éventuelle entrée au capital de partenaires stratégiques notés AA ou + » précise-t-il.

« Nous allons créer une catégorie C pour faire entrer de nouveaux actionnaires du secteur privé, de l’assurance qui travaillent sur des durées plus longues. La philosophie est d’accroître les fonds propres pour augmenter la dette à disposition des États et du secteur privé », explique le président de la Boad. Ce projet, il devra le défendre début juillet devant le prochain conseil des ministres de l’Uemoa.

Avec ce renforcement des fonds propres et l’arrivée potentielle d’acteurs financiers bien notés, Serge Ekué espère bien voir la note de la Boad grimper de deux crans et accéder ainsi plus facilement au marché financier. La note actuelle BAA1 pour Moody’s ne permet pas de lever des fonds à des conditions très intéressantes sur le marché financier.

Cinq secteurs prioritaires identifiés

Avec cette augmentation de capital, la Boad espère lever plus de fonds pour faire face aux défis de développement des États de l’Uemoa, soit une population de 130 millions d’habitants avec un revenu par tête moyen de 970 $. Le Plan Djoliba 2021-2025 fixe ainsi cinq secteurs prioritaires d’intervention : l’agriculture et la sécurité alimentaire, les énergies renouvelables, les infrastructures de base, la santé-éducation et l’habitat social. « La Banque s’engage ainsi à consentir un volume de financements d’environ 3 300 milliards de FCFA (5,03 milliards d’euros) dont au moins un quart pour soutenir le développement du secteur privé ; un accroissement de l’ordre de 50 % par rapport aux financements mis en place au cours du plan précédent », précise Serge Ekué.

Des impacts concrets et significatifs sont attendus. Par exemple, pour l’accès à l’eau potable, la construction d’infrastructures (forages, châteaux d’eau et canaux de distribution) doit permettre d’augmenter de 87 700 m3/jour la production moyenne d’eau potable et dans le secteur agricole, l’aménagement de 12 170 hectares de terres doit permettre la production de 170 300 tonnes de riz par an. La construction de 12 700 km de routes facilitera le déplacement des populations et des biens à travers la région. La Boad, via des lignes de crédits accordées aux banques et institutions de finance inclusive, espère aussi favoriser le développement des microentreprises et des petites entreprises et l’emploi à travers une dynamisation du tissu économique.

Ce qui s’est passé ces six derniers mois

De septembre 2020 à mars 2021, la banque a investi 256,1 milliards FCFA (390 millions d’euros) dans 24 projets, dans les secteurs de la finance et assurance (38,2 %) des infrastructures de transport, d’énergie et d’assainissement (35,8 %), de la santé et de l’éducation (12,1 %), de l’industrie (7,8 %) ainsi que de l’agriculture et du développement rural (6,1 %). La Boad a aussi joué un rôle actif aux côtés des États membres de l’Uemoa dans la riposte à la pandémie du coronavirus en appuyant les plans d’urgence des États.

Sur le plan financier, la Banque a réussi un beau coup : lever fin janvier sur les marchés le premier emprunt obligataire à objectif de développement durable réalisé en Afrique et avec des conditions intéressantes : une maturité de 12 ans et un coupon de 2,75 %. L’opération a permis de lever 750 millions d’euros destinés à financer des projets à fort impact social et environnemental.

Plan Oasis pour réformer l’interne

En interne, les changements sont menés, avec l’appui de grands cabinets africains et internationaux. Serge Ekué, qui a fait sa carrière dans la finance internationale chez Natixis et BPCF, imprime sa marque, crée de nouveaux postes, celui de vice-président et de chef économiste par exemple, pour une meilleure clarté et compréhension de son action. Son objectif : « transformer l’institution pour qu’elle soit plus agile et réactive ». Cela passe par le renforcement et l’acquisition de nouvelles compétences du personnel, notamment dans la digitalisation des services et l’ingénierie financière. Les réformes, détaillées dans le projet Oasis, Serge Ekué aime bien les noms évocateurs, vont s’accentuer dans les prochains mois. « La Boad de demain est en construction », prévient-il.

*L’Uemoa compte comme membres les pays suivants : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo.

Rédaction
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