(BFI) – Trois évolutions majeures sont nécessaires pour lever les obstacles au financement des grands projets en Afrique centrale.
Au début d’octobre, puis à la mi-novembre, des délégations de cadres des institutions communautaires d’Afrique centrale se sont rendues à Paris pour échanger avec des décideurs publics et privés sur le financement d’importants projets d’infrastructures dans la région.
Des accords sur près de 3 milliards d’euros de ressources ont été sécurisés, avec la mobilisation d’acteurs privés tels que Meridiam, Arise et DP World ou publics comme la Banque mondiale, la BAD et Afreximbank.
Le recours aux partenariats publics-privés est une option intéressante
Au vu des importants besoins en financement d’infrastructures sur le continent (plus de 100 milliards de dollars par an), de l’impact de la crise du Covid-19 sur la croissance et des pressions liées au rétablissement des grands équilibres budgétaires, le recours aux partenariats publics-privés (PPP) s’avère une option intéressante pour mener ces projets.
C’est une des approches recommandées par la Conférence des chefs d’États de la Cemac de décembre 2016 à Yaoundé, parallèlement au financement par le marché financier régional, comme alternative à l’endettement.
Le Gabon a par exemple réussi une forte campagne de promotion des investissements et des PPP, avec des accords conclus mi-2019 avec le fonds d’investissement français Meridiam pour la construction d’une centrale électrique, de la route Transgabonaise, et du port d’Owendo.
Mais tous les projets d’infrastructures ne sont pas éligibles à ce mode de financement.
Le secteur privé s’implique davantage dans le financement des infrastructures en Afrique
D’une part, une estimation satisfaisante des futurs revenus générés par l’exploitation de l’infrastructure est indispensable. Pour accorder un financement à hauteur de 232 millions de dollars en faveur de la centrale électrique de Kribi, au Cameroun, les partenaires financiers se sont basés sur l’existence préalable d’un contrat d’achat d’électricité. De même que sur les fortes intentions manifestées par des entreprises fiables, à même d’honorer leurs engagements d’acheter de l’électricité sur une période au moins équivalente à celle des conventions de financement.
D’autre part, la réussite d’un PPP suppose l’existence d’un cadre juridique rassurant, transparent et prévisible pour le partenaire privé, ainsi que des projets suffisamment aboutis et des acteurs institutionnels fortement engagés dans l’aboutissement de l’opération. En effet, les PPP impliquent de lourdes obligations pour les États.
Pour autant, il est indéniable que le secteur privé s’implique davantage dans le financement des projets d’infrastructures en Afrique. Entre 2014 et 2018, l’investissement des acteurs privés dans ce domaine est passé de 2,9 milliards de dollars à 11,8 milliards de dollars (+300%).
Plus important : il s’agit souvent d’engagements pris indépendamment d’initiatives étatiques ou en dehors de PPP, en particulier dans des secteurs libéralisés comme les TIC ou l’énergie. Il en va de même dans la zone Cemac, avec l’émergence de projets de centrales électriques voire de mini-réseaux de distribution portés par des producteurs indépendants d’électricité au Cameroun, au Gabon et au Congo.
Trois évolutions majeures sont nécessaires
Pour renforcer cette dynamique et ouvrir encore plus les vannes du financement des infrastructures dans cette zone, trois évolutions majeures sont nécessaires.
Premièrement, le temps est désormais venu de mettre à contribution les caisses de retraite des pays de la région – qui fonctionneraient comme des fonds de pension – et d’intéresser les populations à orienter leur épargne vers des projets d’infrastructures structurants pour les économies nationales. L’Éthiopie, confrontée aux difficultés à intéresser des bailleurs de fonds internationaux pour financer la construction du barrage Grand Renaissance, n’a pas hésité à solliciter des contributions spéciales aux Éthiopiens.
Deuxièmement, il est tout à fait envisageable de mobiliser les ressources gérées par des fonds de pension étrangers. En 2015, le New York State Common Retirement Fund, le troisième plus grand fonds de pension américain avec 180 milliards de dollars d’actifs, prévoyait de consacrer jusqu’à 3% de ses investissements à l’Afrique sur une période de cinq ans, notamment dans les infrastructures électriques, pour diversifier son portefeuille et augmenter ses rendements.
De telles ressources disponibles ne sont pourtant pas mobilisées, il convient de remédier à cette situation.
Par conséquent, et troisièmement, la solution passe par l’établissement d’un véritable climat de confiance. Au-delà de l’exigence constante d’améliorer le cadre des affaires afin d’attirer plus d’investissements privés, la Cemac doit accélérer la dynamisation du marché financier sous-régional et la promotion du capital-investissement.
Un marché financier dynamique permettrait d’attirer des investisseurs institutionnels internationaux mais également domestiques à la recherche d’opportunités et de placements attractifs. De même, les firmes de capital-investissement centrées sur l’Afrique peuvent jouer un rôle majeur dans le financement des infrastructures. Selon un rapport de l’African Private Equity & Venture Capital Association (AVCA), l’industrie africaine du capital-investissement a mobilisé levé 3,8 milliards de dollars en 2019.
L’étude indique que l’Afrique centrale reste globalement en marge de ce mouvement de mobilisation de ressources. En 2018, en termes d’attractivité, la sous-région n’était plébiscitée que par 7% des investisseurs en capital contre 85% pour l’Afrique de l’Ouest. Aussi, pour rattraper son retard, la Cemac devrait finaliser au plus tôt la mise en œuvre de son Cadre pour l’industrie du capital-investissement et du capital-risque.
Par Loïc Mackosso, Associé-gérant, Aries Investissements