(BFI) – Avec l’essor d’Internet et des smartphones, le Cameroun connaît une expansion du commerce en ligne et les entreprises locales suivent la tendance avec des formules qui leur sont propres. Une victoire pour ces e-commerçants qui tirent leur épingle du jeu malgré quelques obstacles culturels et structurels.
Ces dernières années, le commerce en ligne au Cameroun a connu une forte expansion. Dopées par un taux de pénétration d’Internet en hausse (30%), principalement dans les grandes métropoles, et la démocratisation des smartphones, de nouvelles plateformes d’e-commerce voient de plus en plus le jour. Parmi elles, «Plan B», un site qui entend bien capter le potentiel du marché camerounais.
Au départ, confie son manager Pierre Moeleu, «nous vendions nos produits sur Jumia [l’un des leaders de l’e-commerce en Afrique, ndlr] mais les autres exposants copiaient les photos de nos articles pour alimenter leurs pages, alors nous avons décidé de créer Plan B». «Nous avons surtout fondé Plan B parce qu’il existe un potentiel énorme dans le secteur de l’e-commerce au Cameroun. Lorsque Jumia a fermé, en novembre 2019, nous avons décidé de continuer sur cette lancée car nous savions qu’il y avait un marché naissant», relate-t-il.
Une vague sur laquelle de nombreuses plateformes locales veulent surfer: Glothelo, Afribobo, Vusur Market, Isiway… Et de nouveaux venus comme Enjema rivalisent d’ingéniosité sur la Toile camerounaise. Six mois après son lancement, son promoteur Menkam Nitcheu confie être plutôt satisfait de la courbe des transactions. «Statistiquement, nous avons obtenu plus que ce que nous espérions. Le trafic sur le site est très encourageant», se réjouit-il.
Un marché complexe?
Dans un rapport sur l’indice de l’e-commerce en Afrique, rendu public en 2018, la Conférence des Nations unies pour le commerce et le développement (Cnuced) révélait déjà que le Cameroun était le dixième marché africain de la vente en ligne et l’unique pays d’Afrique centrale à figurer dans le top 10. Un classement articulé autour de quatre critères : nombre d’acheteurs, niveau de sécurité des serveurs, facilité de paiement et facilité de livraison.
Et pourtant, ces atouts cachent mal de nombreuses autres réalités structurelles qui sont, à certains égards, incompatibles avec l’éclosion d’un véritable marché de l’e-commerce dans le pays. La preuve ? En 2019, le site Jumia fermait boutique au Cameroun, six ans après son arrivée, en évoquant l’immaturité du marché camerounais dans le domaine comme raison à sa fermeture. Quelques années avant, Cdiscount, la plateforme française de vente en ligne, avait également cessé ses activités dans le pays, suivi de bien d’autres multinationales.
Sandra Ongolo, consultante freelance en marketing digital pour de nombreuses structures, tente d’expliquer ce paradoxe. Pour elle, «Jumia avait un objectif bien précis en s’installant au Cameroun qui ne s’inscrivait pas dans la durée. Je ne crois pas que le départ soit un aveu d’échec, mais plus une question de stratégie».
«Il faut cependant reconnaître que pour réussir à faire du commerce en ligne de façon prospère au Cameroun, il ne faut pas être dépendant des méthodes traditionnelles qui caractérisent le secteur (paiement en ligne, livraison, commande sur le site Internet…). Par exemple, ici, les gens préfèrent régler à la livraison. Il faut s’adapter au contexte pour réussir à tirer son épingle du jeu», rencherit-t-elle.
Sur ces réalités contextuelles hostiles au plein épanouissement de l’e-commerce au Cameroun, tous les experts semblent unanimes. «Les obstacles à ce secteur d’activité sont les mêmes dans l’ensemble du continent», soutient Simon Mbeleck, ex-responsable des relations publiques et de la communication pour le groupe Jumia en Afrique centrale, aujourd’hui cofondateur de Brand Spark, un cabinet d’accompagnement à la création des projets d’e-commerce. «On note le légendaire problème de l’adressage, l’insuffisance des infrastructures comme les routes, le taux de bancarisation toujours faible, la sécurité, etc. Mais ces problèmes n’empêchent pas de travailler. Au contraire, certains acteurs ont trouvé des moyens comme le paiement à la livraison pour contourner les obstacles culturels et répondre aux besoins du marché», tempère-t-il.
S’adapter aux réalités locales
Dans le pays, les e-commerçants doivent aussi faire face à la méfiance des acheteurs habitués aux boutiques physiques. Devant ces nombreuses contraintes d’ordre culturel et structurel, plusieurs analystes avaient pronostiqué le déclin du commerce en ligne dans le pays. Seulement, pour les acteurs locaux, il faut donner au Cameroun son propre modèle basé sur les réalités contemporaines. Des plateformes comme Enjema travaillent à mettre en relation des clients et des vendeurs crédibles, nous confie Menkam Nitcheu. «Nous promettons à l’acheteur de lui donner une multitude de choix pour le même besoin et de lui épargner les tracasseries sur le terrain. Nous les encourageons à noter les vendeurs et les mieux notés pourront alors bâtir leur capital confiance», explique-t-il.
Pour tirer son épingle du jeu, Plan B mise sur la proximité et la communication rassurante. «Nous faisons de la communication agressive et priorisons les réseaux sociaux. Sur Facebook par exemple, nous avons capitalisé un grand nombre d’abonnés en très peu de temps seulement», se félicite Pierre Moeleu.
D’ailleurs, dans le pays, les ventes sur les réseaux sociaux sont aujourd’hui prédominantes. Si ces plateformes permettent de toucher facilement les acheteurs, elles sont aussi devenues des niches pour toutes formes d’escroqueries. De nombreux faux profils et entreprises inexistantes juridiquement s’y sont installés et opèrent dans la clandestinité. Une pratique qui tend à jeter du discrédit sur toute l’activité et sème le doute dans les esprits.