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L’Afrique centrale pourra-t-elle honorer sa dette envers la Chine ?

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(BFI) – La pandémie du Covid-19 et la chute des cours du pétrole ont mis à mal les économies des pays de cette région. Leur solvabilité est sujette à caution. 

Le Covid-19 a provoqué une baisse de l’activité économique mondiale, aggravée par des mesures de distanciation sociale qui ont perturbé des secteurs comme le tourisme, l’hôtellerie, l’industrie manufacturière ou encore l’énergie. La hausse de l’inflation et l’affaiblissement des devises ont exacerbé les inquiétudes concernant la soutenabilité de la dette.

La région de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) comprend le Cameroun, le Tchad, la République centrafricaine, le Congo et le Gabon. Pour ces pays, l’incidence de la pandémie de la Covid-19 sera très négative car les cours du pétrole sont actuellement inférieurs aux prix de référence retenus dans leurs budgets respectifs. La situation pourra donc compromettre les efforts considérables qui ont été faits dans le cadre des programmes d’ajustement structurel (PAS). En effet, en raison du Covid-19, la région est particulièrement exposée aux risques croissants que le protectionnisme ou le régionalisme peuvent faire peser sur les chaînes d’approvisionnement (les étapes pour faire passer un produit ou le service de son état initial au client).

L’influence chinoise

Selon le ministère du Commerce de la République populaire de Chine, en 2018 les flux d’investissements directs étrangers chinois (IDE) à destination de la Cemac ont chuté de 103 millions de dollars par rapport à l’année 2017, où ils se sont élevés à 193 millions de dollars. Cela correspond à 0,14 % des IDE totaux chinois ou encore à 0,42 % des IDE totaux reçus par l’Afrique au cours de l’année écoulée. Autrement dit, en dépit de cette baisse, ces investissements jouent un rôle très important pour ces pays en raison du fait qu’ils s’attaquent aux faiblesses des infrastructures (routières, ferroviaires, barrages hydroélectriques) même si le gap infrastructurel reste très large.

L’accent est mis sur la dette envers la Chine, car en 2019, dans un rapport sur les prêts chinois qu’elle a corédigé, Carmen Reinhart, économiste en chef de la Banque mondiale, constate que « 50 % des prêts de la Chine aux pays en développement ne sont pas déclarés au FMI ou à la Banque mondiale. Ces “dettes cachées” biaisent la surveillance des politiques, l’évaluation des risques et les analyses de viabilité de la dette ». Elle soutient par ailleurs qu’un endettement supérieur à 90 % du produit intérieur brut peut entraîner une récession économique.

Dans l’absolu, le montant de ces prêts reste extrêmement faible – et ce, d’autant que cette somme est destinée à six pays. Cela étant, l’intérêt des investisseurs chinois pour les pays de la Cemac décroît tendanciellement tout au long de la période 2003-2018. Les causes sont connues : les pays développés offrent des opportunités techniques. En effet, les firmes chinoises n’apportent pas grand-chose aux pays de la Cemac en termes de transferts de technologie. Il est dans l’intérêt de ces firmes d’utiliser les technologies les moins techniques pour avoir le plus de main-d’œuvre bon marché possible.

La Chine, créancier majeur de la région Cemac

La Chine est devenue un créancier majeur des pays de la Cemac. Près de 70 % de la dette publique bilatérale camerounaise sont détenus par Pékin. En 2014, la République du Congo a subi de plein fouet « une chute très brutale des cours de pétrole, liée paradoxalement au ralentissement chinois ». Ce qui s’est traduit par une explosion de son endettement à 110 % du PIB en 2017, dont plus d’un tiers détenu par la Chine, soit environ 2 milliards de dollars, selon la Coface. Près de 3,15 milliards dollars de dette congolaise sont détenus par Pékin (35 % de l’endettement total de Brazzaville, évalué par le FMI à 9 milliards de dollars, soit 90,2 % du PIB du pays). La Chine a néanmoins accepté, le 29 avril 2019, de restructurer la dette publique congolaise.

Les prêts à la zone Cemac représentent 10 % du total des prêts octroyés aux gouvernements et entreprises publiques en Afrique subsaharienne par la Chine sur la période 2000‑2017. Les prêts accordés par la Chine sont facilités par des partenariats commerciaux étroits, l’attribution de marchés publics ou de concessions pétrolières et minières. Les taux d’intérêt des prêts octroyés par des banques publiques chinoises (Exim Bank, China Development Bank) sont souvent conditionnés par une exécution chinoise du projet financé ; et un tiers des prêts sont garantis par des produits d’exportations (pétrole et minerais).

Le positionnement des pays de la Cemac

Il y a effectivement des défis majeurs, notamment pour les pays de la Cemac les plus fragiles, allant du moratoire à l’annulation de la dette. L’endettement pourrait favoriser le développement des pays de la région. Mais les retombées sur l’économie de l’endettement à l’égard de la Chine dépendront fortement de la capacité des pays d’Afrique centrale à adopter une stratégie leur permettant de tirer profit de cette dette.

Les pays de la Cemac sont très dépendants de la Chine et restent exposés aux changements de la demande chinoise ou à un retour à la baisse du prix des matières premières, en particulier des métaux. N’en déplaise à certains dirigeants, il faut se garder d’être trop dépendant du financement de la Chine, au risque de devenir vulnérable aux variations de sa politique extérieure.

Par Fred Eka est enseignant-chercheur, université de Douala.

Rédaction
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